S4-Épisode 5 : Lutter contre la violence conjugale : Échange de renseignements, confiance et confidentialité
L’échange de renseignements en temps opportun est essentiel pour éviter un préjudice résultant de la violence conjugale. Il arrive cependant que les professionnels hésitent à échanger des renseignements en raison d’une mauvaise compréhension des lois relatives à la protection de la vie privée. Priya Shastri, directrice des programmes chez WomanAct, donne son point de vue sur l’échange de renseignements, l’établissement de relations de confiance avec les victimes et les survivants, et l’adoption d’une approche collaborative, tenant compte des traumatismes, pour lutter contre la violence conjugale.
Remarques
Priya Shastri est directrice des programmes à WomanACT. Elle possède une dizaine d’années d’expérience professionnelle dans le secteur de la lutte contre la violence à l’égard des femmes dans divers systèmes et communautés, notamment au Nunavut et au Royaume-Uni.
- La sécurité et l’équité pour les femmes [2:27]
- Questions systémiques plus larges associées à la violence conjugale [6:26]
- La pandémie de l’ombre de la violence conjugale au cours de la pandémie de COVID-19 [8:37]
- La communication de renseignements est un facteur essentiel pour assurer la sécurité des survivants et des victimes [11:49]
- Le point de vue des victimes et des survivants sur la communication de renseignements [17:26]
- Favoriser la transparence, aider les professionnels à expliquer plus clairement leurs responsabilités légales en matière de communication de renseignements avec les survivants [20:42]
- Les données, clé de l’élaboration de programmes et de services fondés sur des données probantes [24:23]
- Maintenir le dialogue grâce à la collaboration et à la formation [26:52]
Ressources :
- Trouver des services et des ressources de la violence familiale dans votre région (gouvernement du Canada)
- Fiche d’information : Violence entre partenaires intimes (gouvernement du Canada)
- Mesurer la pandémie de l’ombre : La violence à l’égard des femmes pendant la pandémie de COVID-19 (ONU Femmes)
- Communication de renseignements en situation de violence conjugale : lignes directrices à l’intention des professionnels (document d’orientation du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario)
- Enquête sur le décès de : Carol Culleton, Anastasia Kuzyk et Nathalie Warmerdam (Bureau du coroner en chef de l’Ontario)
L’Info, ça compte est un balado sur les personnes, la vie privée et l’accès à l’information animé par Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario. Nous engageons des conversations avec des personnes de tous horizons et écoutons des anecdotes sur les questions d’accès et de protection de la vie privée qui les intéressent le plus.
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Vous souhaitez en savoir plus sur un sujet relatif à l’accès à l’information ou à la protection de la vie privée? Vous souhaitez être invité à l’émission? Envoyez-nous un message à @cipvp_ontario ou un courriel à @email.
Transcriptions
Patricia Kosseim :
Bonjour, je m’appelle Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous écoutez L’info, ça compte. Un balado sur les personnes, la vie privée et l’accès à l’information. Nous engageons des conversations avec des personnes de tous horizons et écoutons des anecdotes concrètes sur les questions d’accès et de protection de la vie privée qui les intéressent le plus.
Bienvenue dans un nouvel épisode de L’info, ça compte. Merci d’être à l’écoute. Aujourd’hui, nous allons aborder le thème de la violence conjugale. Ce sujet peut être pénible pour certains auditeurs. Si c’est le cas, nous vous encourageons à chercher de l’aide auprès des services de lutte contre la violence familiale de votre région. Nous avons inclus des liens vers ces différentes ressources dans les notes de l’épisode. La violence conjugale est un problème omniprésent qui touche des milliers de personnes dans tout le pays, sans distinction d’âge, de sexe ou de statut socioéconomique. Ici, en Ontario, certains ont déclaré qu’il s’agissait d’une épidémie.
Il s’agit sans aucun doute d’un sujet qui exige notre attention, notre compréhension et notre action. Dans les situations de violence conjugale, l’échange de renseignements en temps utile est vital, en particulier lorsqu’il existe un risque de préjudice grave pour la vie, la santé ou la sécurité d’une personne. Par ailleurs, il est essentiel de maintenir la confiance des victimes et des survivantes pour leur permettre de se manifester et de chercher de l’aide et des ressources. Dans cet épisode, nous explorerons les différentes dimensions de la violence conjugale et nous verrons comment l’échange de renseignements au bon moment et de la bonne manière peut contribuer à sauver des vies. Notre invitée aujourd’hui est Priya Shastri.
Elle est directrice des programmes de WomanACT. Basée à Toronto, WomanACT est un organisme de bienfaisance qui travaille en collaboration avec d’autres pour mettre fin à la violence envers les femmes, par la mobilisation communautaire, la coordination, la recherche, la politique et l’éducation. Priya, bienvenue à notre émission.
Priya Shastri :
Merci de m’avoir invitée.
PK :
En tant que personne ayant plus de dix ans d’expérience dans la protection des femmes contre la violence, tant au Canada qu’au Royaume-Uni, vous avez évidemment dû travailler en première ligne dans les refuges et dans les coulisses pour gérer des programmes. J’aimerais donc savoir si vous pouvez nous dire ce qui vous a amené à vous spécialiser dans un domaine aussi important.
PS :
Je travaille dans le secteur de la lutte contre la violence ou la violence à l’égard des femmes depuis environ 15 ans, et j’ai passé, comme vous l’avez dit, environ 10 de ces années en première ligne pour aider les survivantes de la violence conjugale. Mon éducation et mon identité, je pense, en tant que femme racisée, fille, sœur, ont certainement éveillé en moi une passion pour la sécurité et l’équité des femmes. Mon père est décédé lorsque j’étais jeune, et je suis la deuxième plus âgée de six sœurs. J’ai été élevée dans un foyer dirigé par une femme. J’ai une mère extraordinaire qui m’a vraiment montré ce que signifie être une femme sûre d’elle et ce que je dois attendre de la société en ce qui concerne la façon dont elle me traite.
Je pense donc qu’il y a toujours eu autour de moi un grand nombre de femmes qui m’ont en quelque sorte élevée. J’ai compris très tôt que les femmes étaient traitées différemment des hommes et que les femmes ayant certaines identités, telles que les femmes noires ou racisées, les mères célibataires, les femmes ayant un certain niveau de revenus, étaient traitées et considérées différemment par la société au quotidien. J’ai ressenti le besoin de comprendre cette réalité et cela m’a motivée à travailler sur l’équité entre les sexes et la violence fondée sur le sexe, car il ne peut y avoir d’équité si l’on ne s’attaque pas également aux expériences de violence vécues par les femmes.
Je pense donc que c’est ce qui m’a poussé à faire ce travail. Je pense que ces réalités auxquelles les femmes sont confrontées et les inégalités auxquelles elles sont confrontées en matière de chômage, de logement, de santé et de services familiaux constituent des facteurs de risque de violence. Ainsi, pour aborder la question de l’équité entre les sexes, nous devons également nous attaquer à la violence fondée sur le sexe. J’ai eu le privilège de travailler dans différentes régions. J’ai travaillé dans le nord, au Nunavut, et j’ai travaillé au Royaume-Uni et à Londres. Où que j’aille, la violence conjugale, la violence familiale et la violence sexuelle sont des problèmes omniprésents auxquels sont confrontées des femmes de tous horizons.
PK :
Merci pour la mise en contexte. Cela explique certainement l’énorme passion que vous mettez dans votre travail chaque jour. Au bénéfice de nos auditeurs, je pense qu’il est important d’expliquer ce qu’est la violence conjugale.
PS :
La violence fondée sur le sexe est donc une violence dirigée contre une personne en raison de son sexe. Nous savons que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par la violence fondée sur le sexe au Canada. Les risques de violence sont plus élevés pour les femmes qui s’identifient comme des femmes en situation de handicap, autochtones, appartenant à une minorité visible, bispirituelles ou LGBTQ. La violence conjugale est l’une des formes les plus répandues de violence fondée sur le sexe. La violence conjugale comprend donc plusieurs types d’abus de la part d’un partenaire intime ou d’un conjoint, actuel ou ancien. La violence conjugale comprend les violences physiques, les abus sexuels, le harcèlement, la traque, les abus financiers et économiques, les abus émotionnels et psychologiques, le contrôle coercitif.
L’une des formes d’abus les plus récentes est la violence facilitée par la technologie ou la cyberviolence. Selon les données du gouvernement canadien, environ 44 % des femmes, soit 6,2 millions de femmes âgées de 15 ans et plus, ont déclaré avoir été victimes d’une forme ou d’une autre de violence dans le cadre de leur relation avec leur partenaire intime. Les survivantes de la violence conjugale subissent souvent de multiples formes d’abus, ce qui a des répercussions immédiates et de longue durée sur la santé et des conséquences sociales et économiques. Elle a une incidence négative sur tous les aspects de la vie d’une survivante, qu’il s’agisse de sa santé physique, mentale ou reproductive.
Les femmes victimes de violence conjugale sont souvent isolées et en rupture ou déconnexion avec leur famille, leurs amis et leurs réseaux de soutien. La violence conjugale est également l’une des principales causes d’itinérance et d’instabilité du logement au Canada pour les femmes. Cela a donc une incidence sur l’ensemble de leur vie et ébranle le système jusqu’à la moelle. En plus de la femme, s’il y a des enfants, cela a également une incidence sur leur santé et leur bien-être. Les effets négatifs de la violence conjugale sur les survivantes ou les victimes sont donc multiples.
PK :
Nous pensons souvent à la violence conjugale comme à une situation impliquant des individus, mais pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les problèmes systémiques plus larges associés à la violence conjugale?
PS :
Pour lutter contre la violence envers les femmes à plus grande échelle, je pense qu’il faut vraiment changer les systèmes plus vastes dans lesquels les survivantes sont impliquées. Ainsi, le système de santé, le système juridique, les services avec lesquels les femmes s’engagent ou qui reconnaissent et remplacent les cadres qui ont construit ces systèmes. La plupart de ces systèmes s’appuient donc sur le patriarcat, les expériences d’oppression et la supériorité blanche. Ces approches sont susceptibles de traumatiser à nouveau les survivantes ou de leur faire subir de nouveaux traumatismes. Je pense donc que ce niveau de changement de système est ce qui motive vraiment mon travail.
Reconnaître que les expériences de violence conjugale sont certes liées à des circonstances individuelles, mais que ces circonstances sont en grande partie attribuées à des problèmes structurels systématiques. Par exemple, lorsque j’étais au Nunavut, j’ai pu constater que de nombreuses familles avaient subi des traumatismes intergénérationnels dus à la colonisation et à l’enseignement en internat. À la suite de cette expérience, le processus permettant d’avoir ou de vivre des relations saines a été brisé et modifié pour des générations. Cette histoire d’oppression et de colonisation contribue réellement à la forme que prend la violence conjugale dans la communauté aujourd’hui.
L’un des aspects positifs est que je vois aujourd’hui beaucoup de personnes et d’entités travailler à l’amélioration de ces systèmes en remplaçant le patriarcat par une approche qui tient compte du rôle des hommes et des femmes. Il faut donc tenir compte du genre lors de la création de politiques, de processus et de programmes, remplacer l’approche de la supériorité blanche par des approches antiracistes et anti-oppressives tenant compte des traumatismes, promouvoir et reconnaître la compréhension et l’incidence des traumatismes afin de pouvoir travailler de manière à prévenir la retraumatisation. C’est donc sur ce point que je me concentre en ce moment. Il s’agit de faire évoluer les systèmes dans lesquels les survivantes s’engagent.
PK :
Nous savons donc que la violence conjugale s’est intensifiée au cours de la pandémie de COVID-19 et que beaucoup l’ont qualifiée de « pandémie fantôme ». Quels sont les facteurs qui, selon vous, ont contribué à l’augmentation de la violence conjugale au cours de la pandémie?
PS :
Je pense donc qu’il est important de se rappeler que les situations d’urgence en matière de santé publique entraînent généralement une augmentation de la violence. Nous savons que c’est le cas dans le monde entier. Les facteurs de stress qui conduisent à la violence, comme la précarité du logement, la mauvaise santé mentale, l’insécurité économique et financière, tendent à augmenter. Ces facteurs nourrissent des environnements à haut risque de violence. Les recherches émergentes ont montré que la COVID-19 n’a pas fait exception à la règle et que nous avons constaté une augmentation de la violence envers des femmes observée sur la base de données hospitalières et policières, de rapports de crise et de données déclarées par les survivantes.
Ainsi, avant la COVID-19, les systèmes qui soutiennent les survivantes de la violence conjugale, comme système de lutte contre la violence ou la violence envers les femmes, le système juridique, le système de logement et le système de santé. Ils ont éprouvé des difficultés à collaborer pour lutter contre la violence conjugale. Les difficultés rencontrées sont notamment les longues listes d’attente, l’accès aux services, le manque de place dans les refuges et le manque flagrant d’avocats pour répondre aux besoins juridiques. Ensuite, la COVID-19 est survenue et n’a fait qu’intensifier et exacerber tous les défis et problèmes existants auxquels nous étions confrontés dans le cadre de notre collaboration pour lutter contre la violence conjugale. En outre, le message envoyé à la population en général au début de la COVID-19 et pendant une grande partie de celle-ci était de rester à la maison et de s’isoler.
Pour les survivantes, cela signifiait de rester dans une situation d’abus parce qu’elles ne pouvaient pas accéder à un refuge ou à des services de logement sûrs et sécurisés comme cela leur était possible auparavant. La COVID-19, en tant que maladie infectieuse, a donc joué un rôle dans la dynamique de coercition et de contrôle au sein des relations abusives. Par exemple, une femme avec des enfants pouvait être coincée à la maison avec un partenaire utilisant le fait qu’elle ne peut aller nulle part pour contrôler ses mouvements et ce qu’elle fait. En raison des décrets et de la crainte de transmission, les refuges devaient également mettre en œuvre des protocoles de prévention des infections isolant les femmes dans leur chambre pendant de longues périodes.
Je pense que cela a eu un effet dissuasif sur de nombreuses femmes pour ce qui est du recours à un refuge. Les femmes avaient peur de se rendre dans les refuges à cause de la transmission de la maladie. En outre, de nombreux services ont dû passer à un modèle hybride. On a donc constaté que de nombreuses survivantes avaient de la difficulté à accéder à ce modèle virtuel, en particulier lorsqu’elles se trouvaient dans le même espace que leur agresseur. Pour de nombreuses survivantes qui auraient pu se trouver dans des situations à haut risque, le modèle hybride n’était pas sûr.
Les services sociaux et de santé étant débordés, les tribunaux étant fermés dans de nombreux endroits et les services et aides étant plus difficiles d’accès, tous les défis ont été intensifiés et exacerbés par la pandémie.
PK :
Mon bureau a récemment publié des lignes directrices à l’intention des professionnels sur l’échange de renseignements dans les situations de violence conjugale. Nous avons élaboré ces lignes directrices à la suite d’une enquête du coroner sur le décès de trois femmes dans le comté de Renfrew, en Ontario. En fait, le deuxième anniversaire de cette enquête a eu lieu le 28 juin, il y a quelques semaines. En tant que personne travaillant dans ce secteur, pouvez-vous nous dire pourquoi l’échange de renseignements est si crucial pour assurer la sécurité des survivantes et des victimes dans les situations de violence conjugale?
PS :
La partie cruciale du soutien à la sécurité d’une survivante est le soutien holistique ou les services intégrés comme le logement, la santé, le droit, l’emploi, l’éducation et les services à l’enfance. Tous ces services travaillent donc ensemble pour échanger des renseignements afin de répondre aux besoins des survivantes en matière de sécurité. Chacun de ces fournisseurs de services dispose de renseignements sur la survivante et l’auteur de l’infraction. Un prestataire de soins dispose peut-être de renseignements sur l’état de santé physique et mental actuel de la survivante et de l’auteur de l’infraction. Le système éducatif peut disposer de renseignements sur la sécurité des enfants.
Il s’agit donc de réunir ces différents partenaires communautaires et fournisseurs de services pour qu’ils mettent en commun tout ce qu’ils savent afin d’obtenir une image complète et d’utiliser cette image complète pour créer un plan de sécurité. Le problème se pose lorsque les fournisseurs de services et les gens se réunissent, mais que vous créez des plans de sécurité sans disposer de toute l’information. Si quelqu’un n’a pas fourni une certaine information, celle-ci aurait pu vous influencer à réagir autrement dans le cadre du plan de sécurité. Par exemple, si vous êtes assis autour de la table et qu’il y a des renseignements selon lesquels l’auteur d’un crime va être libéré, la survivante n’est peut-être pas au courant et aucun des partenaires soutenant les survivantes ne peut l’être non plus.
Il serait important, dans le cadre du plan de sécurité, de savoir que l’auteur d’une infraction est libéré et d’élaborer le plan de sécurité en conséquence. Mais il arrive parfois qu’il y ait des manques d’information, ce qui rend les plans de sécurité moins efficaces et diminue la sécurité de la survivante. C’est donc essentiellement pour cette raison cela est si crucial et important.
PK :
L’objectif du guide était d’informer les professionnels sur les lois relatives à la protection de la vie privée en Ontario et de les rassurer sur le fait qu’ils peuvent légalement échanger certains de ces renseignements personnels, même sans consentement, dans des situations où la vie, la santé ou la sécurité d’une personne est compromise. Selon vous, qui avez travaillé dans ce secteur, pourquoi certains professionnels hésitent-ils à échanger ces renseignements d’une importance vitale?
PS :
Il peut donc s’avérer difficile et compliqué de tenir compte du droit à la vie privée et des besoins ou des souhaits des victimes de violence conjugale en même temps que de la nécessité d’échanger des renseignements à des fins de planification de la sécurité. En termes de pratiques exemplaires pour la mise en œuvre d’une approche tenant compte des traumatismes, l’idéal est d’obtenir le consentement d’une survivante pour l’échange de renseignements dans un cas de violence conjugale. Dans tous les systèmes, les professionnels tentent d’obtenir le consentement –je pense que c’est le cas partout –, mais pour diverses raisons, il arrive qu’ils ne parviennent pas à obtenir ce consentement.
Dans ces circonstances où le consentement n’est pas présent, les professionnels expriment parfois leur manque de clarté sur les lois relatives à l’échange de renseignements et à la protection de la vie privée, comme vous l’avez dit. En outre, il est parfois difficile d’interpréter les lois sur la protection de la vie privée et de savoir quand il faut échanger des renseignements et comment cela s’applique aux professionnels dans les différents systèmes. Si vous êtes agent de police, ce que cela signifie est différent de ce que cela signifie si vous êtes un travailleur de première ligne. Pour être tout à fait honnête, vous avez besoin d’un certain niveau d’espace et de capacité pour enrichir vos connaissances sur les lois relatives à la protection de la vie privée et pour vous tenir au courant des changements apportés à ces lois. Il existe actuellement des outils relatifs au guide en matière d’échange de renseignements, mais ils ne sont pas rédigés dans un langage compréhensible.
Nous ne savons pas exactement comment traduire ce qui est écrit ici en cas réels sur le terrain, et cela peut parfois être un défi. Il est essentiel que les organisations et les fournisseurs de services connaissent les lois ontariennes sur la protection de la vie privée et leur application à l’échange de renseignements lorsqu’ils soutiennent les survivantes et les victimes de la violence conjugale. Je pense qu’un autre élément clé est qu’il est important pour les organisations et les fournisseurs de services d’appliquer une approche tenant compte des traumatismes lorsqu’ils échangent des renseignements. Il se peut que vous ne puissiez pas toujours obtenir le consentement de la survivante, mais cela ne signifie pas nécessairement que vous n’utilisez pas une approche centrée sur les survivantes.
Faire preuve de transparence en ce qui concerne l’échange de renseignements et les responsabilités connexes. Lorsque vous êtes un travailleur de première ligne et que vous prenez en compte tous ces éléments, je pense qu’il est vraiment essentiel d’être transparent et que la pratique exemplaire consiste à être transparent dès la première rencontre avec une survivante pour lui faire savoir quelles sont nos obligations et nos obligations légales en matière d’échange de renseignements. Surtout si nous savons qu’un enfant est en danger ou qu’il y a un risque imminent pour votre vie ou votre sécurité. La façon dont j’évalue le risque par rapport à la sécurité peut être différente de la façon dont la survivante ou le client l’évalue.
Je pense donc que l’un des défis les plus difficiles à relever pour un travailleur de première ligne est de savoir quand échanger des renseignements sur une situation à haut risque, ce qui peut s’avérer difficile si vous définissez la situation comme étant à haut risque et que vous avez une survivante assise en face de vous qui ne définit pas la situation de la même manière que vous. Cela peut donc poser problème dans la relation entre le travailleur de première ligne et la survivante.
PK :
Lors de l’élaboration de notre guide, notre bureau a travaillé avec WomanACT et d’autres parties prenantes, et je tiens à vous remercier pour votre soutien et votre collaboration tout au long de ce projet. En fait, WomanACT a réuni un groupe de discussion composé de survivantes qui nous ont fait part de leurs commentaires précieux sur les premières versions du guide. D’après ce que vous avez entendu dans le groupe de discussion, mais aussi d’après ce que vous savez plus généralement des femmes victimes et survivantes, quel est leur point de vue sur ce type de guide et d’échange de renseignements? Quelles sont leurs préoccupations ou quelles sont les choses qu’elles souhaitent voir représentées sous la forme d’un guide comme celui-ci?
PS :
L’un des éléments clés qui, je pense, a été mis en évidence par les survivantes en ce qui concerne l’échange de renseignements est lié à leur identité individuelle. Aussi, ce que cela signifie pour différentes femmes ayant des identités différentes lorsque les renseignements sont échangés par différents fournisseurs de services et systèmes. Par exemple, nous savons d’une manière générale et d’après la littérature que les femmes noires et autochtones sont plus souvent criminalisées que les autres femmes en raison de leurs démêlés avec le système pénal ou avec le système judiciaire en rapport avec la violence conjugale. En outre, nous savons que les femmes autochtones et noires, ainsi que leurs enfants, sont plus susceptibles d’être surreprésentées dans les organismes de protection de la jeunesse.
Ainsi, pour les survivantes autochtones et noires, l’échange de renseignements peut parfois conduire à de nouvelles oppressions avec les systèmes et à de nouveaux désavantages dans les systèmes. Je pense donc que ce que nous avons surtout entendu, c’est que ce n’est pas au moment de l’échange de renseignements que ces défis entrent en jeu. C’est au moment de la mise en œuvre des plans de sécurité sur lesquels ces renseignements sont basés. C’est à ce moment-là que les survivantes commencent à rencontrer des difficultés. L’une des choses que j’ai trouvées formidables dans le cadre de l’élaboration de ce guide a été le groupe de discussion.
Nous avons donc fini par réunir un petit groupe de femmes ayant vécu la violence conjugale afin d’examiner les cas, les exemples de cas qui figuraient dans le guide. Les survivantes étaient vraiment concentrées... Lorsqu’elles examinent ces exemples de cas et que nous réfléchissons à l’échange de renseignements, elles doivent vraiment décrire comment les mesures prises pour assurer leur sécurité peuvent parfois leur donner l’impression de les priver de leur autonomie, de ne pas être centrées sur les survivantes et de ne pas être fondées sur le choix. Mais je pense qu’il y a beaucoup de choses qui se rapportent à l’approche tenant compte des traumatismes.
D’une manière générale, je pense que ce que nous avons vraiment entendu, c’est que les survivantes ont besoin que nous fassions mieux pour mettre en œuvre les plans de sécurité. L’échange des renseignements est donc important, mais nous avons besoin que les renseignements que vous échangez n’entraînent pas d’autres traumatismes et d’autres préjudices pour nous. Si vous échangez des renseignements et que nous ne subissons pas davantage de traumatismes et de préjudices, alors cela nous est utile. Mais si vous échangez des renseignements entre vous et qu’ils nous causent des préjudices et des traumatismes supplémentaires, il devient alors difficile de donner son consentement et de participer à un plan de sécurité.
PK :
Je sais en tout cas que le groupe de réflexion que vous avez dirigé a permis d’améliorer considérablement notre guide, compte tenu des commentaires que nous avons reçus sur certains des exemples et sur la nécessité de la rendre plus pertinente, plus sensible, plus adaptée à la culture et plus pertinente. Il s’agissait d’une étape cruciale dans l’élaboration du guide, et je suis ravie que nous ayons pu travailler avec votre organisation pour l’améliorer et la rendre plus pratique et mieux éclairée dans l’ensemble.
Je vous en remercie. L’une des questions que je souhaite vous poser est la suivante : en mettant à disposition ce guide et en soulignant les dispositions légales qui autorisent l’échange de renseignements sans consentement, risquons-nous de rendre les femmes plus craintives à l’idée de se manifester et de demander de l’aide?
PS :
Je pense que la pratique exemplaire actuelle est que les professionnels devraient faire part de leurs obligations légales en matière d’échange de renseignements lorsqu’ils sont en contact avec une survivante, dès les premières interactions. Je sais qu’en général, les professionnels le font, surtout lorsque la femme a un enfant. Il s’agit donc d’indiquer d’emblée qu’en cas de risque pour l’enfant, il est nécessaire d’en parler à la société d’aide à l’enfance, et de préciser comment cela va se passer, en faisant preuve de transparence si l’on doit signaler quelque chose ou échanger des renseignements avec différents partenaires autour de la table pour assurer la sécurité, en précisant qu’il y aura une discussion et une conversation pour leur faire savoir qu’ils vont le faire.
Vous allez essayer de le faire d’une manière sur laquelle vous êtes tous les deux d’accord parce que c’est pour leur sécurité et celle de leur enfant. Je pense donc que lorsqu’on utilise cette approche tenant compte des traumatismes et qu’on se concentre sur la transparence avec la survivante, cela permet d’instaurer un climat de confiance entre nous et la survivante. La survivante sera ainsi plus encline à donner son consentement, à participer et à vouloir s’engager dans un processus de collaboration qui vise à la sécuriser. Mais je pense que lorsque nous ne sommes pas transparents quant à nos responsabilités, la confiance est rompue et le service se désengage.
Je pense donc que le guide rédigé en langage clair permet aux professionnels d’expliquer plus clairement leurs responsabilités aux survivantes. Il s’agit d’un outil qui aidera les professionnels à s’asseoir avec une survivante et à lui dire : « Voici mes responsabilités légales, en termes d’échange de renseignements, pour assurer votre sécurité ». Il fournit le langage nécessaire. Un langage que la plupart des professionnels ne connaissaient probablement pas auparavant. Il s’agit d’un outil supplémentaire et d’une boîte à outils que les travailleurs de première ligne et les professionnels peuvent utiliser, car l’échange de renseignements et les lois sur la protection de la vie privée sont un langage complexe. Ils sont rédigés de manière complexe.
Les professionnels ont du mal à les interpréter et à les appliquer, mais le fait d’avoir cet outil dans notre boîte à outils nous permettra d’utiliser un langage plus simplifié pour les expliquer. D’après mon expérience de travailleuse de première ligne, qui s’occupe principalement de cas à haut risque, je pense que les femmes apprécient vraiment la transparence des lois sur l’information et la protection de la vie privée, ainsi que mes responsabilités et la manière dont je vais échanger les renseignements et diffuser cette conversation. Je pense que ce guide n’est qu’un outil de plus dans la boîte à outils et qu’elle n’aura pas nécessairement d’incidence sur la divulgation des survivantes. Elle aidera simplement les fournisseurs et les professionnels de première ligne à aider les femmes à révéler leur état et à donner leur consentement.
PK :
Je suis très heureuse et encouragée d’entendre cela, car l’un des principaux objectifs était de rédiger ce guide dans un langage simple. Je suis heureuse d’entendre qu’elle est explicable et qu’elle peut être utilisée comme un outil permettant un dialogue honnête et transparent entre le professionnel et la victime ou la survivante dès le début, lorsqu’ils cherchent de l’aide. Je voudrais vous interroger à propos de l’accès à l’information. Notre bureau reçoit parfois des demandes d’accès à l’information de la part de journalistes ou de chercheurs qui souhaitent obtenir des renseignements sur les statistiques, les tendances ou les données relatives aux cas de violence conjugale en Ontario.
Selon vous, dans quelle mesure l’accès à ce type de renseignements est-il précieux pour des centres comme le vôtre qui ont pour mission la recherche, l’éducation et l’aide à la protection des femmes contre la violence?
PS :
On entend souvent dire qu’il faut créer des programmes fondés sur des données probantes, mais les mesures que vous prenez sont-elles fondées sur des données probantes? Pour moi, les données probantes sont fondées sur des données collectées d’une certaine manière qui tient compte de certains biais. Il s’agit donc d’un processus structuré de collecte de données ou d’évaluation. Je pense qu’il est très important de disposer de ces chiffres, de ces données et de ces renseignements lorsque l’on cherche à mettre en place des mesures pour lutter contre la violence conjugale. Je sais qu’à l’époque de notre projet MARAC (Multi-Agency Risk Assessment Collaboration Project), nous étions en train de mettre sur pied un projet de collaboration pour l’évaluation des risques au sein de plusieurs organismes.
Lorsque nous avons effectué nos recherches, il était important de disposer de renseignements sur les féminicides qui avaient eu lieu afin de pouvoir les reprendre et de comprendre quelles étaient les réalités des femmes, de cerner ces réalités et d’élaborer des mesures pour y remédier. Mais nous ne serions pas en mesure de proposer ces mesures si nous ne disposions pas des données qui nous permis de prendre connaissance de ces réalités. Je pense donc que les données sont très importantes, mais qu’il faut également trouver un équilibre entre l’échange de données dans un but précis et l’échange de données de manière responsable. S’assurer que les données, s’il s’agit de données de survivantes, sont anonymisées dans une certaine mesure.
Là encore, il s’agit d’un autre domaine. Je pense qu’il reste encore beaucoup à faire pour renforcer les capacités en matière d’échange de données et de renseignements dans le cadre d’une collaboration intersectorielle sur la violence conjugale.
PK :
Comme vous le savez, notre objectif avec le guide sur la violence conjugale était de permettre aux professionnels des secteurs de la justice, de la santé et des services sociaux de prendre des décisions éclairées en matière de protection de la vie privée, de confidentialité et de sécurité publique. Quel conseil donneriez-vous donc à notre bureau sur ce que nous pourrions faire de plus pour continuer ce travail?
PS :
J’ai entendu beaucoup de bonnes choses à propos du guide. Les commentaires les plus fréquents concernaient l’augmentation des possibilités de formation engendrée par le guide, l’augmentation des possibilités de formation au sein de la communauté dans le cadre du guide. Je pense que les possibilités de collaboration et de renforcement des capacités associées à l’outil de rédaction en langage clair sont importantes. Les conversations permanentes sont importantes. Je pense que des outils comme celui-ci sont des documents vivants qui doivent être mis à jour au fur et à mesure que les gens les utilisent. Les gens ont donc la possibilité de l’emporter, de l’utiliser, puis de revenir et de donner leur avis sur la manière de l’améliorer et de l’améliorer.
La question a tendance à n’être soulevée qu’au moment de l’action, lorsqu’il est nécessaire d’échanger des renseignements, mais il serait bon qu’il y ait des occasions où les gens discutent de l’échange de renseignements dans un but d’apprentissage et non pas au moment où l’on essaie de gérer un cas. Je pense qu’un autre élément clé à retenir est la promotion et la facilitation de la collaboration intersectorielle en matière d’éducation et de formation en matière d’échange de renseignements. Ainsi, si les gens savent qu’ils travaillent régulièrement en étroite collaboration avec de multiples partenaires en raison de la nature des cas qu’ils traitent, vous travaillez en étroite collaboration avec la communauté médicale, la police, un représentant du secteur de l’éducation ou la société d’aide à l’enfance.
Le fait que vous ayez ces discussions sur les lois relatives à la protection de la vie privée. Ce serait formidable de sortir l’outil et de permettre à tout le monde de s’asseoir autour d’une table pour discuter. Assurez-vous que vous êtes tous sur la même longueur d’onde lorsque vous travaillez en collaboration sur les lois relatives à la protection de la vie privée. Il serait donc très utile d’avoir ces discussions avec les personnes avec lesquelles vous collaborez fréquemment, bien avant de vous asseoir et de l’appliquer à un cas.
PK :
Il ne s’agit donc pas d’attendre d’être dans le feu de l’action, mais d’avoir ces discussions à l’avance.
PS :
Oui.
PK :
Merci beaucoup, Priya. C’est un conseil très judicieux. Je l’apprécie vraiment.
PS :
Merci.
PK :
Il s’agit d’une conversation très importante qui, je l’espère, a contribué à sensibiliser les professionnels et à leur donner les moyens d’échanger des renseignements en temps utile lorsqu’ils sont confrontés à ces situations très pénibles. Pour les auditeurs qui souhaitent en savoir plus sur l’échange de renseignements personnels dans des situations de violence conjugale, je vous encourage à visiter notre site Web à l’adresse ipc.on.ca pour obtenir une copie de notre guide à l’intention des professionnels sur l’échange de renseignements dans des situations de violence conjugale. Vous pouvez également appeler notre bureau ou communiquer avec nous par courriel à tout moment pour obtenir une aide générale et de l’information sur les lois ontariennes en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée.
Voilà, c’est tout. Merci d’avoir écouté cet épisode important de L’info, ça compte, et à la prochaine. C’était Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous avez écouté L’info, ça compte. Si vous avez apprécié le balado, n’hésitez pas à formuler une évaluation ou un commentaire. Si vous souhaitez que nous abordions un sujet lié à l’accès à l’information ou à la protection de la vie privée dans un prochain épisode, n’hésitez pas à communiquer avec nous. Envoyez-nous un gazouillis à @IPCinfoprivacy ou un courriel à @email. Merci de nous avoir écoutés et rejoignez-nous pour d’autres conversations sur les personnes, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Si ça compte pour vous, ça compte pour moi.