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S3-Épisode 5 : Concevoir des systèmes de santé numériques en collaboration avec les patients et les familles

L’info, ça compte

S’engager avec les patients, les familles et les soignants peut aider à construire un système de santé meilleur et plus inclusif. Betty-Lou Kristy, présidente du Conseil consultatif ministériel pour des patients et des familles, parle de sa mission qui consiste à améliorer les soins aux patients en Ontario en plaçant les patients et les familles au centre de l’élaboration des politiques. Grâce à leurs expériences vécues dans le système de santé, ils s’efforcent de démonter les barrières et d’aider les Ontariens à avoir confiance que leurs droits en matière de confidentialité des données et d’accès à celles-ci seront respectés.

Remarques

Betty-Lou Kristy est présidente du Conseil consultatif ministériel des patients et des familles. C’est une mère endeuillée qui a subi des traumatismes et éprouvé des problèmes de dépendance à l’alcool et aux drogues, et qui est en rétablissement depuis plus de 20 ans.

Depuis plus de 15 ans, elle met à profit cette expérience vécue au sein du système de santé de l’Ontario en tant que conseillère familiale, éducatrice et intervenante. À ce titre, elle contribue à l’orientation des politiques, de la gouvernance et des programmes. Auparavant, elle était spécialisée en marketing dans le secteur privé.

  • Une passion pour la transformation des soins de santé alimentée par l’expérience vécue [2:33]
  • Mandat du Conseil consultatif ministériel des patients et des familles [5:30]
  • Changement de culture et conception du système de santé en collaboration avec des patients, familles et soignants [6:35]
  • Comment participer au sein d’un conseil consultatif local [9:20]
  • Recommandations au Conseil consultatif ministériel en vue d’apporter des améliorations à la stratégie des solutions numériques pour la santé de l’Ontario [10:30]
  • Favoriser la transparence tout en protégeant la vie privée et les données [12:22]
  • Favoriser la confiance entre communautés ayant subi des préjudices et de l’inégalité suite à la collecte et à l’utilisation de données [13:47]
  • Utilisation de données sur la santé pour le bien public tout en évitant de stigmatiser les particuliers et communautés et de leur porter préjudice [15:59]
  • Gestion des situations où les patients tiennent à ne pas divulguer de renseignements sur leur santé, même à leur propre famille [17:52]
  • Importance pour les patients et les familles de pouvoir conserver l’accès à leurs données et exercer un contrôle sur elles [20:41]
  • Dialogue avec des conseils consultatifs des patients et des familles pour favoriser la confiance dans la santé numérique [22:25]

Ressources

L’info, ça compte est un balado sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information animé par Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario. Avec des invités de tous les milieux, nous parlons des questions qui les intéressent le plus sur la protection de la vie privée et l’accès à l’information.

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Vous aimeriez en apprendre plus sur un sujet lié à l’accès à l’information ou la protection de la vie privée? Vous aimeriez être invité à une émission? Envoyez-nous un gazouillis à @cipvp_ontario ou un courriel à @email.

Transcriptions

Patricia Kosseim : 

Bonjour. Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous écoutez L’info, ça compte, un balado sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Avec des invités de tous les milieux, nous parlons des questions qui les intéressent le plus en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée.

Bonjour, chers auditeurs, et bienvenue à un autre épisode de L’info, ça compte. Merci d’être des nôtres. Avant de commencer, je tiens à préciser que nous parlerons de questions liées à la dépendance, aux traumatismes et à la santé mentale qui pourraient être troublantes pour certains auditeurs.

Il est généralement reconnu que les déterminants sociaux de la santé, comme le revenu, la situation professionnelle, la scolarité et le soutien social, font partie des éléments essentiels qui influent sur nos résultats en matière de santé. Ces facteurs, comme l’environnement physique dans lequel nous vivons et les communautés dont nous faisons partie, ont une grande influence sur notre santé personnelle et collective. Le soutien familial peut également avoir une incidence sur le bien-être physique, mental et affectif, en influant sur nos choix de vie, nos réseaux de soutien et notre accès aux ressources.

Les professionnels de la santé reconnaissent le soutien vital que les membres de la famille peuvent apporter à leurs proches tout au long de leur parcours de soins. De fait, les fournisseurs de soins de santé et les décideurs considèrent de plus en plus que la participation de la famille revêt une importance cruciale, non seulement pour les résultats personnels en matière de santé, mais aussi pour la mise en place d’un système de santé efficace et équitable.

Je reçois aujourd’hui Betty-Lou Kristy, présidente du Conseil consultatif ministériel des patients et des familles. Cet organisme fournit des conseils à la ministre de la Santé de l’Ontario sur des priorités en matière de santé qui concernent l’expérience des patients et les soins. En tant que présidente, Betty-Lou s’est fait l’avocate de la conception concertée des systèmes de santé, en veillant à ce que les patients, les familles, les soignants et les personnes ayant une expérience vécue aient voix au chapitre au moment de l’élaboration des politiques et des structures du système de santé.

Betty-Lou, bienvenue au balado, et merci infiniment d’avoir pris le temps de vous joindre à moi aujourd’hui.

Betty-Lou Kristy :

Merci à vous de m’accueillir.

Patricia Kosseim :

Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours personnel et du cheminement qui vous a amenée à ce que vous faites aujourd’hui?

Betty-Lou Kristy :

Transformer le système de santé en un système plus intégré et surtout plus humain, c’est ma passion depuis très, très longtemps. Je suis une mère endeuillée qui a connu à la fois des problèmes de santé mentale et un très long et difficile parcours à travers l’alcoolisme, la toxicomanie et les traumatismes. Mon fils, Pete, aujourd’hui décédé, a beaucoup souffert de psychose précoce. Il y a beaucoup de bipolarité et de schizophrénie dans la famille. Il faisait également de l’automédication et est devenu dépendant aux opioïdes. Malheureusement, Pete est mort le 23 décembre 2001 d’une surdose accidentelle d’opioïdes combinés à ses nouveaux médicaments psychiatriques. C’était il y a 21 ans.

Il y a 21 ans, nous perdions nos enfants à cause des opioïdes. Donc, dans le contexte des soins de santé, le débat porte davantage sur les dix dernières années, alors qu’en fait, c’est plutôt sur les deux dernières décennies qu’il faut se baser. Je pense que c’est à ce moment-là que la stigmatisation, la discrimination, les préjugés et les jugements, tant au sein du système de santé que dans la société en général, sont devenus prépondérants pour mon fils décédé et moi-même, au cours de nos différents parcours juxtaposés, de sorte qu’il nous a été très difficile de répondre à nos besoins et de continuer à lutter pour nous-mêmes.

Comme le ferait n’importe qui pour son enfant, j’ai lutté très, très fort, et on ne m’a pas écoutée. Et souvent, je me demande si c’était parce que les gens connaissaient aussi mon passé. Je pense que c’est là que Pete a abandonné. C’est un peu comme s’il avait abandonné, même si c’était accidentel, parce qu’il se sentait rejeté, voyez-vous, en tant que « toxicomane ». Je déteste ce mot, mais c’est l’étiquette qu’on lui a donnée, et cela a vraiment fait obstacle à l’aide, aux conseils et aux soins de santé qu’il aurait pu obtenir si sa situation n’avait pas relevé du domaine de la toxicomanie. Parce qu’on la considère comme un choix de vie, comme un manquement moral, alors que c’est en fait un problème de santé.

Donc en tant que présidente du Conseil consultatif ministériel des patients et des familles, je voudrais vraiment, comme bon nombre de nos membres, humaniser le système. Voilà donc une partie du cheminement qui m’a amenée à ce poste.

Patricia Kosseim :

Je vous remercie du courage et de la générosité avec lesquels vous partagez avec nous ce récit émouvant qui nous aide à comprendre les facteurs qui vous ont amenée à votre situation actuelle.

Vous avez mentionné le Conseil consultatif ministériel des patients et des familles; pourriez-vous nous décrire son travail et son mandat?

Betty-Lou Kristy :

Il s’agit d’un conseil consultatif provincial qui relève du ministère et de la ministre de la Santé, dont le mandat est de contribuer à l’amélioration des soins aux patients, aux familles et aux soignants en veillant à placer les voix des patients, des familles et des soignants au centre de l’élaboration des politiques et du processus décisionnel. Le conseil fournit des avis d’experts à la ministre et au ministère de la Santé sur les priorités et la transformation du système de santé. Et comme vous le savez, la transformation qui est en cours depuis quelque temps est tout simplement incroyable; c’est une source d’inspiration mais aussi de craintes. Donc le conseil est vraiment très, très occupé.

J’ai le privilège de travailler avec un groupe de membres incroyablement avertis et je suis très, très fière du travail que nous accomplissons. Et vous savez, c’est intéressant et très enrichissant. C’est un travail concret. Ce n’est pas quelque chose de symbolique, c’est très, très authentique, et nous avons beaucoup de soutien.

Patricia Kosseim :

Je vous ai entendu parler du travail du conseil, et en particulier de ses membres, et vous parlez toujours d’eux avec beaucoup d’estime et de respect, et j’espère avoir la chance de les rencontrer un jour. Dans le récent rapport annuel de votre conseil, vous évoquez le changement de culture comme un thème clé et vous n’avez pas hésité à souligner l’importance d’adopter cette culture de conception des systèmes de soins de santé, en collaboration non seulement avec les experts de la santé, mais aussi avec les patients, les familles et les soignants, ainsi qu’avec les personnes qui ont une expérience vécue. Comment ce système de conception concertée se présente-t-il concrètement? Comment fonctionne-t-il?

Betty-Lou Kristy :

Il s’agit d’un ensemble de compétences bien défini, et nous devons renforcer les capacités du système à cet égard. Changer de culture signifie reconnaître la valeur que le patient, la famille et le soignant apportent à la transformation du système de santé. Il s’agit donc de considérer les patients, les familles et les soignants, non pas seulement comme des personnes qui ont une expérience vécue et la relatent, mais plutôt comme des personnes qui ont toutes sortes d’autres compétences, car nous sommes tous des consommateurs de soins de santé, mais nous avons aussi un emploi à temps plein, nous faisons du bénévolat, nous avons une formation et nous apportons tellement de choses au débat. Il s’agit donc de s’engager en partant de ce qu’on a vécu dans son parcours de santé, et c’est là qu’avec ses autres compétences, on peut conseiller, faire réfléchir, examiner les politiques, les mesures, les déterminants sociaux de la santé qui sont si importants dans le cheminement d’une personne en matière de santé.

Ils ont énormément d’expertise à mettre à contribution, et je pense que c’est l’élément que nous devons vraiment cultiver. En Ontario, nous sommes bien plus avancés que n’importe qui d’autre dans ce domaine, car il s’agit d’une politique. Par exemple, si on pense aux équipes Santé Ontario, ces équipes doivent avoir des conseils consultatifs de patients et de familles. C’est dans la politique. Il y a très peu d’endroits où il existe une grande organisation, et même des organisations plus petites, qui ne disposent pas d’un conseil consultatif. Mais ce n’est pas seulement un conseil, c’est un partenariat, une conception concertée. Il ne s’agit donc pas de s’asseoir à la table pour la forme, de prendre quelqu’un dans la rue et de le mettre à la table des systèmes, mais de prendre le temps, concrètement, de mettre en place un processus de recrutement adéquat, un processus d’entrevue, un apprentissage, un mentorat, une formation, un soutien continu. Voilà à quoi cela ressemble dans la pratique.

Patricia Kosseim :

Donc, si je vous comprends bien, il pourrait y avoir des centaines de ces conseils consultatifs des familles et des patients dans toute la province, associés à de nombreux établissements de soins de santé, petits et grands. Et si un auditeur souhaite participer au conseil consultatif des patients et des familles de son hôpital ou de son établissement de soins de santé, comment peut-il s’y prendre?

Betty-Lou Kristy :

Je pense que le moyen le plus simple est de passer par les équipes Santé Ontario, parce que maintenant qu’il y en a 57, elles ont des sites Web et font de la publicité, et de chercher sur Google des possibilités de participation des patients. Santé Ontario a toujours été un chef de file, même lorsqu’il s’agissait de Qualité des services de santé Ontario, c’était aussi un chef de file phénoménal dans ce domaine.

Je pense aussi que le service Santé 811 pourrait être une bonne source d’information. Ce serait la meilleure façon de procéder. Par ailleurs, toutes les équipes Santé Ontario font actuellement beaucoup de démarches auprès de leurs communautés pour faire passer le message que nous voulons que les gens se joignent à nous et travaillent avec nous.

Patricia Kosseim :

L’année dernière, le Conseil consultatif ministériel des patients et des familles s’est fortement engagé dans l’amélioration de la Stratégie des solutions numériques pour la santé de l’Ontario. Pouvez-vous nous parler de certaines de vos principales recommandations?

Betty-Lou Kristy :

Il y a eu tellement de sujets qui ont été soumis à notre conseil, et c’est celui qui nous a le plus emballés. Nous avons mis sur pied un sous-comité et tous se sont présentés et ont travaillé très, très fort dans un délai très serré parce qu’ils se sentaient tellement inspirés et passionnés par la possibilité que l’Ontario devienne un chef de file dans ce domaine. Il s’agissait donc essentiellement de confiance, d’accès et d’utilisation de la technologie dans les situations pertinentes. Voilà donc l’un des éléments.

Il était également essentiel d’instaurer un climat de confiance avec les communautés auprès desquelles les données qui seront utilisées ont été recueillies. Nombre de membres de notre conseil ont vécu une atteinte à la vie privée, et ils sont donc très sensibles à ce genre de situation. Et pour les groupes en quête d’équité au sein de notre conseil et en général, les préjudices tangibles liés à l’utilisation des données sont un point tellement sensible qu’il faudra du temps pour traiter de cette question.

Il y a cependant une volonté certaine d’accepter le fait que nous devons d’abord instaurer un climat de confiance. Et ça commence par la transparence et l’engagement. C’est aussi simple et aussi compliqué que cela. Le deuxième thème est celui de l’accès. Il s’agit de vouloir accéder à nos données pour nous aider à naviguer dans le système et à collaborer avec nos partenaires, avec les cliniciens et les soignants. C’est donc à la fois une question d’accès et de transparence; ce sont les questions clés.

Patricia Kosseim :

Face à la multiplication des systèmes de santé numériques, comment faire en sorte que ces systèmes soient conçus en tenant compte des besoins et des préférences des patients, de leur famille et des soignants en matière de santé, tout en respectant leur vie privée et en garantissant la protection des données?

Betty-Lou Kristy :

Dans le cadre de notre travail avec le ministère, nous avons vraiment souligné l’importance de la transparence des données, en dialoguant directement avec les communautés concernées par ces données. Il a été très, très important d’instaurer la confiance du public et de rehausser la littératie en matière de données. Et il faut faire participer la population ontarienne à l’élaboration des politiques et des programmes en matière de données numériques et de données de santé. Il s’agit donc, comme je l’ai dit, d’inclure les gens, de les faire participer. Il y a des champions dans toutes les communautés, et il y a un leadership innovant. Il y a des meneurs naturels dans ces communautés, et c’est ce que nous avons réussi à exploiter.

La recommandation était donc la suivante : si vous pouvez faire appel à ces dirigeants communautaires respectés, alors nous pourrons également contribuer à mettre en place le conseil, à constituer les conseils consultatifs dont les gens ont besoin pour ce projet. Et nous avons souligné l’importance d’une véritable inclusion et d’une véritable équité, ce qui suppose de reconnaître les préjudices subis par certaines communautés du fait de l’utilisation des données par le passé et d’y faire face.

Patricia Kosseim :

Les groupes en quête d’équité, tels que les communautés noires et autochtones, en particulier, ont parfois subi des préjudices et des iniquités en raison de la manière dont les données les concernant ont été recueillies et utilisées dans le passé. Comment garantir la protection de leur vie privée et de leurs droits en matière d’accès à l’information dans le cadre de la conception concertée des systèmes de données sur la santé, et faire en sorte qu’ils aient suffisamment confiance dans le processus pour y participer réellement?

Betty-Lou Kristy :

Nous avons la chance d’avoir passé de nombreuses années à bâtir ce conseil, et nous tirons profit d’un grand nombre de points de vue diversifiés : Noirs, Autochtones, personnes handicapées, personnes ayant des aptitudes. Une chose fondamentale que nous avons entendue au sein du groupe, parce que nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, c’est qu’il faut reconnaître les préjudices historiques causés par l’utilisation des données; si nous essayons de contourner ou de négliger ce problème, personne ne se ralliera à notre cause. Il est donc fondamental de parler des données de santé, de penser à une vision des données de santé qui est, a été, et peut encore être anti-oppression, et qui doit tenir compte des traumatismes.

Ainsi, les groupes qui sont en quête d’équité, du fait de leur histoire et des préjudices importants qu’ils ont subis, doivent faire partie du processus. Il faut vraiment leur faire comprendre qu’on fait appel à eux pour leur expertise, et qu’en fait, ils orientent un processus. Et bien souvent, il s’agit de créer des liens et des relations. Parfois, les gens essaient de contourner le problème pour obtenir un résultat, peut-être trop rapidement, alors qu’il faut un parcours plus long pour instaurer la confiance au sein de l’équipe et à l’égard des données de santé.

Il est possible d’intégrer par défaut la participation dans le cadre de la planification et de l’utilisation des données sur la santé, notamment pour les groupes en quête d’équité. Il faut donc toujours s’assurer qu’il y a un patient, une famille, un soignant, un groupe ou une personne ayant une expérience vécue, un résident, un conseil de citoyens, peu importe la façon dont les gens s’identifient, mais qu’on va vraiment vers cette communauté et qu’on s’engage véritablement auprès d’elle.

Patricia Kosseim :

En ce qui concerne la santé mentale, nous savons que les ravages de la stigmatisation peuvent avoir un impact considérable sur les patients, les familles et les soignants. D’après votre expérience, Betty-Lou, comment pouvons-nous parvenir à un équilibre entre l’utilisation des données de santé à des fins bénéfiques, comme la planification et l’amélioration des ressources et des services de santé mentale, tout en évitant d’aggraver la stigmatisation ou les préjudices subis par les personnes et les communautés?

Betty-Lou Kristy :

C’est compliqué. C’est un sujet dont nous avons beaucoup parlé, non seulement au sein du conseil, mais aussi dans mon autre champ d’activité, en tant que directrice d’une organisation de soins de santé qui s’occupe du soutien par les pairs, de l’expérience vécue, de la santé mentale, du logement avec services de soutien et de tous les paramètres qui permettent d’accélérer le processus. Il s’agit d’une question nuancée, à laquelle il faut répondre selon une approche fondée sur les traumatismes, en plaçant l’équité au centre des préoccupations.

C’est une question de choix, ce qui rend la tâche difficile car il faut satisfaire tout le monde. Dans certaines situations, les gens ne voudront vraiment pas divulguer leurs données de santé. Il est essentiel de leur laisser le choix. Si nous continuons à partager des données sans que la personne exerce de contrôle sur elles, nous ne ferons que perpétuer les préjudices déjà existants.

La réponse simple, mais à la fois très compliquée, est qu’il s’agit d’un choix personnel. Et je sais que de nombreux membres étaient très ouverts à l’idée de dire « oui, nous devons partager nos données pour le bien commun, mais pourriez-vous s’il vous plaît ne pas divulguer les éléments relatifs à ma santé mentale et à ma toxicomanie si je suis identifié », en raison de ce qui peut résulter de la stigmatisation, de la discrimination, des préjugés et des jugements qui entourent encore les problèmes de santé mentale et de dépendance.

Patricia Kosseim :

Il est très important d’établir une relation de confiance avec le système, avec votre fournisseur, je suppose, pour faire ce choix et être sûr qu’il sera respecté.

Betty-Lou Kristy :

Tout à fait.

Patricia Kosseim :

Je voudrais vous demander, étant donné votre travail et votre expérience personnelle, comment vous gérez les situations où les patients veulent que leurs renseignements médicaux restent confidentiels par choix personnel, comme nous venons de le mentionner, mais refusent même de les communiquer aux membres de leur propre famille. Ainsi, dans des situations où les familles ne sont pas très unies et où la dynamique familiale n’est pas très saine, comment gérez-vous cette dynamique?

Betty-Lou Kristy :

J’ai vu les deux extrémités de ce spectre. En ce qui me concerne, ma situation familiale était toxique, et je ne voulais partager aucune information, quelle qu’elle soit. Mais quand je pense à Pete, mon fils décédé, nous étions très, très proches et il m’a toujours permis de faire partie de son équipe de soignants. Mais en raison de la manière dont les gens perçoivent la situation, parce qu’il y a différentes interprétations des normes de protection de la vie privée, je n’ai jamais vraiment été autorisée à en faire partie. C’était toujours à cause de son âge, on ne peut pas vous dire ceci, on ne peut pas vous dire cela. Et ma façon d’essayer de contourner ça, c’est qu’il avait donné sa permission, mais si vous hésitez toujours, laissez-moi au moins vous raconter ce qui s’est passé ce week-end, Pete a rechuté, il a fait une tentative de suicide, vous voyez, et j’ai donc des renseignements dont vous avez besoin. Et si Pete retourne chez moi, sa mère, pour que je m’occupe de lui, parce que c’est là qu’il habite, alors je dois faire partie de l’équipe de soins.

Je vois donc les choses des deux côtés. L’un des thèmes les plus importants que j’observe dans tout l’Ontario est que les membres de la famille, les soignants, les personnes qui s’occupent des soins, se sentent exclus. Et c’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit d’un problème de santé mentale ou de toxicomanie. Ils se sentent alors exclus des soins et incapables d’aider leur proche parce qu’ils ne sont pas autorisés à participer, même si leur proche leur en donne la permission. Une fois encore, il s’agit d’une situation nuancée : nous essayons vraiment, vraiment de protéger les gens, et c’est notre priorité, mais quand cette protection finit-elle par empêcher de donner à une famille ce dont elle pourrait avoir besoin pour s’occuper de son proche?

Patricia Kosseim :

Je pense qu’il s’agit là de deux excellents exemples, y compris dans votre situation personnelle et votre vie, du fait que l’on peut, dans certaines situations, ne pas vouloir partager ces renseignements, mais dans d’autres situations, devoir les partager afin d’obtenir le soutien familial dont vous parlez.

Comme vous le savez, mon bureau supervise la loi ontarienne sur la protection des renseignements personnels sur la santé, la LPRPS, et le concept qui consiste à permettre à chacun d’exercer un contrôle sur ses renseignements personnels sur la santé est au cœur de cette loi. Dans quelle mesure pensez-vous qu’il est important pour les patients et les familles de conserver l’accès à leurs propres données et d’exercer un contrôle sur elles, alors que nous envisageons une éventuelle réforme de la loi ontarienne sur la protection des renseignements personnels sur la santé? Dans quelle mesure ce concept reste-t-il important et déterminant dans les réformes que nous pourrions envisager?

Betty-Lou Kristy :

C’est capital. C’est mon avis personnel, mais je l’entends aussi au conseil et dans tous les autres domaines où je suis en réseau et où je travaille, c’est qu’il y a un thème très, très fort : ce sont nos données, nous devrions y avoir accès. Le conseil a donc fourni de solides conseils au ministère de la Santé en ce qui concerne les données numériques et sanitaires. D’excellents conseils sur l’importance de l’accès des patients, des familles et des soignants à leurs propres données de santé. Beaucoup d’entre nous ont remarqué que l’accès des patients, des familles et des soignants, ainsi que des fournisseurs, aux renseignements personnels est un élément fondamental des soins, de leur qualité et de la sécurité des patients.

Patricia Kosseim :

L’une des priorités stratégiques de mon bureau est la confiance dans la santé numérique, et nous avons pour objectif de favoriser la confiance dans le système de soins de santé numérique en nous assurant que les dépositaires de renseignements sur la santé respectent les droits des Ontariennes et des Ontariens en matière de protection de la vie privée et d’accès à l’information, et l’utilisation novatrice des renseignements personnels sur la santé à des fins de recherche dans la mesure où elle sert le bien public. Quels conseils donneriez-vous à mon bureau pour réaliser des progrès en vue d’atteindre cet objectif?

Betty-Lou Kristy :

Je pense que cela nous ramène probablement à l’établissement de relations, à la création de liens. C’est un processus dans lequel la seule façon d’aller au cœur de la question est de faire appel à de nombreux conseils et de former de très bons partenariats, d’assurer un engagement et une conception concertée avec les patients, les soignants et les familles. Et c’est là le cœur du sujet. Ça paraît si simple, mais ça ne l’est pas. En effet, pour bien faire, il faut beaucoup de démarches, beaucoup de temps et beaucoup d’engagement, en particulier quand on s’adresse à des communautés en quête d’équité et qu’on tente d’atténuer les préjudices historiques et la méfiance historique tout en essayant d’instaurer un climat de confiance.

Donc, je crois que l’une des choses les plus importantes, c’est que quand on a plus d’expérience et qu’on s’est donné, en Ontario, la capacité d’assurer ce type de participation et de conception concertée, que nous élaborons tous les outils et tout ce dont nous avons besoin, on constate que dans le système de santé, on est véritablement intéressé à aller de l’avant de façon appropriée. Et je pense que c’est le cas pour votre bureau aussi, quand vous visitez certains de ces conseils et les consultez.

Je pense donc que tous les moyens sont bons pour établir une relation, mais aussi pour partager des renseignements et développer une culture autour de cela et une compréhension de ce que vous faites, de ce que fait votre bureau, de ce que vous essayez de faire. Car, comme je l’ai dit, le consensus est que c’est une bonne chose d’utiliser les données pour le bien commun.

Patricia Kosseim :

J’aimerais beaucoup discuter avec vous, après ce balado, de certaines des mesures concrètes que nous pourrions prendre pour tendre la main à la communauté des conseils consultatifs de patients et de familles et entamer cette conversation. Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il serait utile non seulement de partager des renseignements avec eux, mais aussi d’entendre leurs points de vue qui peuvent nous aider à orienter nos propres démarches et décisions en matière de protection de la vie privée dans le domaine de la santé en Ontario.

Betty-Lou Kristy :

Oui.

Patricia Kosseim :

Voilà une excellente conversation. J’apprends toujours beaucoup de vous. Et je tiens à vous remercier une nouvelle fois d’avoir partagé votre parcours avec nous aujourd’hui. Votre travail quotidien montre à quel point la résilience et le courage peuvent être une véritable source d’inspiration. Et je sais que vous faites tomber les barrières et démystifiez les préjugés grâce à tout le bon travail que vous réalisez en vue de bâtir un système de santé meilleur et plus inclusif pour tous les Ontariens et Ontariennes. Je vous remercie donc au nom de nous tous.

Betty-Lou Kristy :

Merci beaucoup. Et je pense que tous ceux d’entre nous qui ont une expérience concrète de tous les types de soins de santé, de traumatismes et de problèmes veulent être reconnus pour leur résilience, leur force, la sagesse qu’ils peuvent apporter au débat et la manière dont ils peuvent s’appuyer sur les tragédies qu’ils ont vécues pour contribuer à trouver des solutions.

C’est pourquoi c’est toujours un honneur pour moi de travailler avec vous et de participer à votre balado, et je vous en remercie.

Patricia Kosseim :

Merci à vous. Les auditeurs qui souhaitent en savoir plus sur l’excellent travail des conseils consultatifs des patients et des familles trouveront des liens vers des ressources dans les notes de cet épisode. Vous pouvez également visiter notre site Web à www.cipvp.ca pour en savoir davantage sur le travail du CIPVP en vue de favoriser la confiance dans la santé numérique. Vous pouvez aussi nous appeler ou nous envoyer un courriel si vous avez besoin d’aide ou de renseignements généraux concernant les lois ontariennes sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Merci d’avoir été des nôtres. À la prochaine.

Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous avez écouté L’info, ça compte. Si vous avez aimé ce balado, laissez-nous une note ou un commentaire. Si vous souhaitez que nous traitions d’un sujet qui concerne l’accès à l’information ou la protection de la vie privée dans un épisode futur, communiquez avec nous. Envoyez-nous un gazouillis à @cipvp_ontario ou un courriel à @email.

Merci d’avoir été des nôtres, et à bientôt pour d’autres conversations sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. S’il est question d’information, nous en parlerons.

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