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S3-Épisode 10 : Les meilleurs moments de la troisième saison

L’info, ça compte

L’info, ça compte revient sur les moments les plus marquants de sa troisième saison, avec des entretiens passionnants sur les gens, la vie privée et l’accès à l’information. Dans cet épisode de rappel, vous entendrez nos invités parler de cybersécurité, de désinformation, de données génétiques, d’intelligence artificielle, de neurotechnologie, des droits d’accès des femmes et de bien d’autres choses encore!

Remarques

Une synthèse des meilleurs moments de la troisième saison du balado L’info, ça compte, lauréat du prix du balado technologique des Canadian Podcast Awards de 2023.

Ressources

L’info, ça compte est un balado sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information animé par Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario. Avec des invités de tous les milieux, nous parlons des questions qui les intéressent le plus sur la protection de la vie privée et l’accès à l’information.

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Vous aimeriez en apprendre plus sur un sujet lié à l’accès à l’information ou la protection de la vie privée? Vous aimeriez être invité à une émission? Envoyez-nous un gazouillis à @cipvp_ontario ou un courriel à @email.

Transcriptions

Patricia Kosseim :

Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous écoutez L’info, ça compte, un balado sur la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Nous discutons avec des gens de tous les milieux des questions concernant l’accès à l’information et la protection de la vie privée qui comptent le plus pour eux.

Bienvenue à cet épisode rétrospectif spécial de L’info, ça compte. En cette fin de notre troisième saison, nous revenons sur certains de nos entretiens les plus marquants avec différents invités. Aujourd’hui, vous entendrez une sélection de clips mémorables qui ont profondément touché nos auditeurs et moi-même. Revenons en arrière et redécouvrons quelques-unes de ces discussions marquantes.

En tant que commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, je suis à la fois fascinée et préoccupée par la rapidité avec laquelle notre monde se transforme, par la technologie qui brouille les frontières entre la science-fiction et la réalité actuelle. Christopher Parsons, ancien associé au Citizen Lab de l’Université de Toronto et chef des politiques technologiques au CIPVP, s’est joint à moi pour le premier épisode de la saison, pour discuter de la façon dont les outils et les méthodes des services policiers ont évolué si rapidement en quelques années.

Vous avez dit que nous vivons déjà en quelque sorte dans un monde de science-fiction en ce qui concerne les capacités technologiques des forces de l’ordre, un peu comme dans le film Rapport minoritaire que j’ai mentionné il y a quelques minutes. Dites-nous comment le maintien de l’ordre est entré dans le monde de la science-fiction.

Chris Parsons :

Il y a 30 ans, si on voulait savoir ce que vous aviez écrit à quelqu’un d’autre, il fallait soit intercepter vos lettres et les ouvrir à la vapeur, ce qui n’est pas sans poser de problèmes juridiques dans notre pays. Ou bien, pour filer quelqu’un, savoir où il va dans une ville, où il voyage, il fallait faire appel à des équipes entières d’agents de services de sécurité ou des forces de l’ordre, donc il fallait des transferts, des voitures, de la planification, des réservations d’hôtel. Il y avait donc plein de détails à régler.

Un journal intime était un objet unique, et pour y accéder, il fallait entrer par effraction dans un domicile. Nos documents les plus importants étaient rangés dans un coffre-fort. Pour les forces de l’ordre, intercepter une communication, c’était fixer un fil à pince alligator à une ligne téléphonique. Aujourd’hui, les forces de l’ordre peuvent accomplir bon nombre de ces tâches bien plus vite et avec beaucoup moins de ressources humaines. Nous stockons d’énormes quantités de données dans le nuage, qu’elles soient chiffrées ou non. C’est donc dire que si vous avez un journal intime, il y a fort à parier qu’il se trouve sur un serveur quelque part. Vous avez peut-être un blogue ou un site Web dans lequel vous publiez des réflexions personnelles qui, autrefois, étaient beaucoup plus intimes. Les capteurs intelligents se multiplient partout, de sorte que beaucoup de données sont recueillies sur nos déplacements. Les téléphones intelligents eux-mêmes ajoutent des données de géolocalisation à nos photos et à d’autres éléments, ce qui constitue une autre source d’information et nous évite de devoir faire appel à une trentaine d’agents pour nous orienter.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les forces de l’ordre les plus évoluées et les mieux dotées en ressources peuvent faire des choses qui relevaient encore vraiment de la science-fiction il y a 20 ou 30 ans.

Patricia Kosseim :

Chris a ensuite décrit le maintien de l’ordre prédictif; par exemple, l’utilisation d’algorithmes pour créer des cartes d’incidence de l’activité criminelle en déterminant les quartiers susceptibles de présenter une criminalité élevée, ou pour évaluer les demandes de mise en liberté sous caution en fonction de facteurs permettant de prédire si une personne est plus ou moins susceptible de violer les conditions de sa libération.

Mais que se passe-t-il lorsque ces algorithmes sont entraînés à partir de données historiques, qui concernent généralement des communautés racialisées noires et autochtones déjà surreprésentées dans le système de justice pénale? Chris poursuit en expliquant comment les prédictions dans ces cas peuvent être biaisées et perpétuer les préjugés et la discrimination dans le système. C’était une discussion fascinante, qu’il vaut vraiment la peine d’écouter.

Dans le deuxième épisode, je me suis entretenue avec Alex Himelfarb au sujet d’un comité d’experts qu’il a présidé pour le Conseil des académies canadiennes, et qui porte sur la propagation de la désinformation et ses conséquences concrètes. Voici un bref extrait de notre conversation à ce sujet.

Comme vous l’avez mentionné dans l’introduction du rapport, la désinformation n’est pas vraiment un phénomène nouveau. « Les mythes, les théories du complot et la tromperie délibérée sont probablement aussi vieux que la communication humaine », avez-vous écrit, et pourtant, comme vous l’avez ajouté, la désinformation est un problème crucial de notre époque. Comment en sommes-nous arrivés là?

Alex Himelfarb :

Le premier facteur, je crois, c’est l’essor des réseaux sociaux et des plateformes de messagerie personnelle comme véhicules d’information. Un sondage récent a révélé que pendant la pandémie de COVID, environ 90 % des Canadiens s’informaient par l’entremise des réseaux sociaux et des applications de messagerie. Cela signifie qu’ils sont exposés à d’énormes quantités d’information, mais aussi de désinformation, et presque toujours sans intermédiaire, sans repères, sans personne pour les aider à distinguer ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas.

Et comme vous l’avez dit, cela mène à s’enfermer dans des bulles d’information qui se renforcent elles-mêmes. Les algorithmes et les incitatifs intégrés dans les réseaux sociaux font en sorte que les conflits, les affrontements et la désinformation sont très populaires et se répandent rapidement.

Ajoutez à cela le deuxième grand facteur, à savoir le déclin, depuis des décennies, de la confiance dans les institutions publiques et le gouvernement, mais également dans les médias, les universités et les institutions privées. Il y a donc un déclin de la confiance en l’autre, un déclin de la confiance sociale et un déclin de la confiance dans la politique.

Les recherches montrent que les gens n’ont pas vraiment perdu confiance dans la science. Ils ont plutôt perdu confiance dans les institutions auxquelles ils faisaient appel pour obtenir des informations scientifiques. Ils ne croient donc plus au gouvernement comme avant. Ils ne croient plus aux organismes publics comme avant. Ils ne croient même plus aux universités comme avant. Et les professionnels des médias vous diront qu’ils ne croient plus les médias grand public comme avant.

Patricia Kosseim :

J’ai demandé ensuite à M. Himelfarb ce que les gouvernements peuvent faire pour lutter contre l’avalanche de désinformation et rehausser la confiance du public.

C’est intéressant parce que vous disiez que l’un des antidotes à la désinformation est de favoriser la multiplicité des sources d’information et d’informations contraires. J’aimerais savoir ce qu’a constaté le comité, mais aussi, d’après votre expérience personnelle en tant que haut fonctionnaire pendant plus de 30 ans sous trois gouvernements, quel est le rôle du gouvernement? Quel rôle jouent la transparence et la divulgation proactive pour combler les lacunes et donner accès à des sources de vérité?

Alex Himelfarb :

Je pense que c’est un aspect très important, en particulier pour le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée, mais à notre époque de désinformation où la confiance ne règne plus, le fait de ne pas révéler d’informations ne fait qu’intensifier la pression pour trouver des explications, ce qui alimente la pensée conspirationniste. Cela fait désordre. Bien des mesures et des décisions prises par le gouvernement sont difficiles à gérer et parfois, quand on les révèle, on en subit les conséquences, mais quand on les dissimule, c’est encore pire.  Quand on fait le ménage du printemps, on soulève la poussière partout, mais si on ne le fait pas, c’est bien pire, et il en va de même pour l’information. Il serait donc naïf de penser que tout divulguer permettra d’instaurer un climat de confiance du jour au lendemain. En fait, cela même peut engendrer des doutes, mais il n’y a rien de pire que de cacher la vérité. Je pense donc que le gouvernement a un rôle énorme à jouer en faisant preuve d’une transparence proactive et en s’appuyant moins sur les demandes d’accès à l’information.

Patricia Kosseim :

Dans le troisième épisode, j’ai rencontré Philippe Dufresne, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Nous avons discuté et échangé nos points de vue sur nos mandats et nos priorités stratégiques respectifs. Nous avons parlé des défis auxquels nos bureaux sont confrontés, et notamment de certaines inquiétudes suscitées par les progrès technologiques, de leurs répercussions sur la vie privée et de l’urgence d’établir des balises appropriées pour en faire un usage responsable.

Et j’aimerais bien savoir ce qui te tient éveillé la nuit au sujet de tout ça?

Phillipe Dufresne :

Bonne question. Pour ce qui est de ce qui me tient éveillé la nuit, c’est intéressant. Je dirais que rien ne me tient éveillé la nuit. Je dors très bien et j’en suis reconnaissant.  Mais il y a des choses qui me gardent en haleine le jour. Je pense que je vais répondre à cette question en tenant compte de ce point.

Et vraiment, ce qui me garde en haleine pendant le jour, actuellement, ce sont les trois priorités opérationnelles sur lesquelles je me concentre. La première est le rythme accéléré de la technologie, en particulier l’IA générative et tout ce qu’elle peut faire de positif, en plus du risque qu’elle pose pour la protection de la vie privée. C’est une chose sur laquelle je me concentre beaucoup, car je veux être sûr qu’on peut suivre le rythme, qu’on peut avoir une avance en tant qu’organisme de réglementation, en termes de principes, qu’on peut s’assurer de définir où il faut poser des balises pour ces technologies.

Patricia Kosseim :

Cet entretien entre Philippe et moi n’est que l’un des nombreux autres que nous avons eus depuis, pour discuter de la manière dont nos bureaux peuvent travailler en étroite collaboration, avec nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux de tout le pays, pour relever les nombreux défis en matière de protection de la vie privée et d’accès à l’information que nous avons en commun.

Nous avons adopté quatre résolutions FPT en 2023, sur l’accès à l’information, la protection de la vie privée des employés, les intérêts supérieurs des enfants et l’IA générative. Je dirais que ce fut l’une des années les plus productives de notre communauté FPT.

Directrice du Centre de génomique et politiques de l’Université McGill, Bartha Maria Knoppers est une véritable sommité dans le domaine du droit de la santé et de la bioéthique. J’ai eu l’honneur de l’accueillir en tant que quatrième invitée cette saison. Bartha et moi avons discuté de l’utilisation clinique des données génétiques afin de dépister des maladies traitables, notamment dans le cadre des programmes de dépistage néonatal, et du droit des enfants de découvrir qu’ils sont à risque. Nous avons également abordé l’importance des biobanques pour la recherche en santé. Nous avons parlé du droit à la vie privée des particuliers, mais aussi de la responsabilité d’être solidaires avec ses concitoyens et de ce qu’il faut faire pour rehausser la confiance du public. Écoutez-la.

Donc pourquoi y a-t-il un problème lorsque certaines personnes ne veulent pas être incluses dans une biobanque ou refusent leur consentement à ce que leurs échantillons ou d’autres données personnelles soient utilisés?

Bartha Knoppers :

C’est leur droit, et elles peuvent refuser pour quelque raison que ce soit.  Le problème, c’est que ce refus procède souvent d’une méfiance envers le monde de la médecine. Mais quand une personne ne participe pas, sa collectivité, ses circonstances socioéconomiques familiales, etc., ses origines, l’origine de ses grands-parents, ainsi de suite, ce n’est pas consigné. Donc ces ensembles de données ne sont pas représentatifs de ce que sont les populations modernes, qui sont hétérogènes plutôt qu’homogènes. Et on nous dit, « il n’y a pas assez de diversité dans vos ensembles de données ». Eh bien oui, nous avons besoin de plus de gens qui ne sont pas d’origine blanche ou européenne.

Aujourd’hui, au Canada, selon Statistique Canada en 2022, 24% de la population canadienne actuelle a des origines non européennes ou non blanches. Nous avons besoin de données sur ces gens. Nous n’aurons pas les bons médicaments, les bons appareils, les bons traitements, une bonne compréhension de leur situation s’ils sont absents des ensembles de données ou des biobanques. Donc il nous faut, je crois, une meilleure littératie génomique, si je puis dire, ou une meilleure littératie en matière de santé, parce que tout le monde profite de ces ressources.

Patricia Kosseim :

Vous avez parlé de la confiance du public. Qu’est-ce qui permettrait d’accroître la confiance du public et l’inciter à participer aux biobanques de recherche?

Bartha Knoppers :

Avant tout la transparence. Ce n’est pas si difficile de publier, tous les trois mois, un bulletin rédigé en langage simple, en anglais, en français, ou dans d’autres langues, pour donner les dernières nouvelles, parler des projets en cours, expliquer pourquoi ils sont réalisés. Et à nouveau trois mois plus tard, de donner les dernières nouvelles, de dire ce que nous comptons faire, des projets qui se poursuivent ou qu’on a abandonnés et pourquoi. Il n’y a pas de transparence. Nous n’avons pas une gouvernance suffisamment visible, ni de reddition de comptes évidente quand il se produit des erreurs.

Donc une fois que nous aurons ça et que les gens sauront où s’informer, pourquoi consulter Google? Pourquoi ne pas lire le bulletin trimestriel du ministère de la Santé pour apprendre ce qui se passe? Voilà. Je pense que nous avons besoin de ces trois éléments : gouvernance visible, transparence et reddition de comptes.

Patricia Kosseim :

En tant qu’animatrice de L’info, ça compte, j’ai l’occasion de discuter avec des gens fascinants de tous les horizons. En août, j’ai été profondément touchée de recevoir Betty-Lou Kristy, présidente du Conseil consultatif ministériel des patients et des familles.

Betty-Lou a partagé avec nous son expérience très personnelle qui a fait d’elle la championne passionnée et dévouée qu’elle est aujourd’hui, défendant les droits des patients et des familles. Nous avons parlé de sa mission, qui consiste à améliorer les soins aux patients en Ontario en plaçant les patients et les familles au cœur de l’élaboration des politiques. Elle m’a également donné d’excellents conseils sur la manière dont mon bureau peut faire progresser notre objectif d’instaurer la confiance dans les soins de santé numériques, en favorisant une plus grande transparence et en veillant à ce que toutes les parties prenantes aient voix au chapitre dans le monde de la santé numérique d’aujourd’hui.

Vous savez que l’une des priorités stratégiques de mon bureau est la confiance dans la santé numérique, et notre objectif à ce sujet est de promouvoir la confiance dans le système de santé numérique, mais également de favoriser l’utilisation novatrice des renseignements personnels sur la santé à des fins de recherche et d’analytique dans la mesure où elle sert le bien public.  Quels conseils donneriez-vous à mon bureau pour réaliser des progrès en vue d’atteindre cet objectif?

Betty-Lou Kristy :

Je pense que cela nous ramène probablement à l’établissement de relations, à la création de liens. C’est un processus dans lequel la seule façon d’aller au cœur de la question est de faire appel à de nombreux conseils et de former de très bons partenariats, d’assurer un engagement et une conception concertée avec les patients, les soignants et les familles. Et c’est là le cœur du sujet. En effet, pour bien faire, il faut beaucoup de démarches, beaucoup de temps et beaucoup d’engagement, en particulier quand on s’adresse à des communautés en quête d’équité et qu’on tente d’atténuer les préjudices historiques et la méfiance historique tout en essayant d’instaurer un climat de confiance.

Donc, je crois que l’une des choses les plus importantes, c’est que quand on a plus d’expérience et qu’on s’est donné, en Ontario, la capacité d’assurer ce type de participation et de conception concertée, que nous élaborons tous les outils et tout ce dont nous avons besoin, on constate que dans le système de santé, on est véritablement intéressé à aller de l’avant de façon appropriée. Et je pense que c’est le cas pour votre bureau aussi, quand vous visitez certains de ces conseils et les consultez.

Je pense donc que tous les moyens sont bons pour établir une relation, mais aussi pour partager des renseignements et développer une culture autour de cela et une compréhension de ce que vous faites, de ce que fait votre bureau, de ce que vous essayez de faire. Car, comme je l’ai dit, le consensus est que c’est une bonne chose d’utiliser les données pour le bien commun.

Patricia Kosseim :

Dans le sixième épisode, je me suis entretenue avec Laura Neuman, conseillère principale au Carter Center aux États-Unis, au sujet du droit des femmes à l’information et des nombreux obstacles auxquels elles sont confrontées lorsqu’elles tentent d’accéder à cette information. Laura a partagé quelques idées intéressantes sur ce que vivent concrètement les femmes qui ne disposent pas des renseignements nécessaires pour faire valoir leur droit à des avantages et à des services.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples du type d’obstacles auxquels les femmes se heurtent, de véritables exemples concrets que vous avez trouvés dans votre étude?

Laura Neuman :

Dans de nombreux cas, le problème était le temps. Les femmes comprenaient la valeur de l’information, mais elles n’avaient pas le temps de se rendre aux organismes publics, elles ne pouvaient pas se déplacer. La mobilité est un problème énorme. Les femmes sont incroyablement mal à l’aise dans le monde entier dans les transports en commun et par le fait d’essayer de se rendre de leur maison à l’organisme public pour demander de l’information.

Il y avait aussi un manque de connaissances. Les femmes n’en avaient pas entendu parler, elles ne savaient pas comment demander de l’information. Il y avait aussi beaucoup de problèmes normatifs et culturels, il était donc mal vu pour les femmes de poser des questions d’hommes, il était mal vu pour les femmes de sortir et demander de l’information. Il y avait aussi des problèmes liés à la peur. Les femmes avaient tout simplement peur. Elles avaient peur d’aller dans les organismes publics, elles n’étaient pas les bienvenues.

Nous avons vu l’expérience de nos chercheurs que nous avons placés dans les organismes publics, dans plus de 130 organismes, et ils se sont rendus à chacun d’eux trois fois, à trois jours différents et trois semaines différentes. Ils ont vu les femmes essayer d’entrer et d’obtenir de l’information pour avoir des services, et elles étaient souvent ignorées. Elles étaient ridiculisées : « Pourquoi voudriez-vous cela? Pourquoi avez-vous besoin d’information? Qui êtes-vous pour me demander des renseignements? » Quand cela arrive, la possibilité qu’une femme y retourne est assez limitée.

Patricia Kosseim :

J’ai ensuite demandé à Laura si ces obstacles étaient spécifiques aux pays en développement ou s’il y en avait qui se manifestaient plus près de chez nous. Laura a évoqué un phénomène beaucoup plus général. Elle a parlé de l’expansion de la campagne « Inform Women, Transform Lives » (Informer les femmes, transformer des vies), qui englobe désormais plus de 36 grandes villes dans le monde, dont plusieurs villes américaines et européennes. Il est à noter qu’aucune ville canadienne n’a encore adhéré à cette campagne. Espérons que cela changera après que nous aurons entendu parler de cette campagne passionnante et d’une importance cruciale.

Laura Neuman :

La campagne est basée, une fois de plus, sur cette idée que les femmes ne reçoivent pas d’information, et à cause de cela, elles ne peuvent pas exercer leurs droits, elles ne peuvent pas bénéficier des services que, dans ce cas, les administrations municipales proposent.

Chaque ville définit un service qu’elle propose et qui, selon elle, serait transformateur. Il s’agit d’un service qui, si les femmes pouvaient y accéder, changerait leur vie, celle de leur famille et de leur communauté. Elles définissent ce service, ainsi que la population cible de femmes. À certains endroits, c’est tout simplement celles qui vivent dans leur juridiction et, à d’autres endroits, il s’agit de femmes plus jeunes, certaines se sont concentrées sur des femmes plus âgées, certaines ciblaient les disparités socioéconomiques, mais elles déterminaient leur public féminin cible, puis elles utilisaient l’information comme pont.

Ainsi, « Nous avons ce service exceptionnel, nous avons ces femmes incroyables qui en ont besoin, comment pouvons-nous leur offrir en utilisant l’information, en les sensibilisant au type de services fournis, où se rendre pour l’obtenir, quelles sont les exigences pour en faire la demande, combien de temps un service dure-t-il, que se passe-t-il si vous ne le recevez pas? » Tous ces éléments d’information sont exactement ce que représente le droit à l’information. Il s’agit simplement de mettre cette information importante entre les mains des femmes, et observer ce qui se passe.

C’était tout simplement incroyable. Nous avons écouté des cas de réussite incroyable émanant de ces villes, et c’est intentionnel, novateur et engagé.

Patricia Kosseim :

Jason Besner, expert en cybersécurité et directeur des partenariats au Centre canadien pour la cybersécurité, s’est joint à moi pour le septième épisode de la saison. Jason a partagé certaines des tendances inquiétantes que l’on observe dans le domaine de la cybersécurité, ainsi que des stratégies pratiques sur lesquelles les organisations et les particuliers peuvent miser pour se frayer un chemin dans ce monde numérique en perpétuelle expansion. Notre entretien nous rappelle qu’il faut rester vigilant, se préparer et collaborer face aux cybermenaces qui nous concernent tous.

En termes très simples, Jason, pourquoi la cybersécurité est-elle importante?

Jason Besner :

La cybersécurité est importante parce que le risque est plus grand que ne le pensent la plupart des gens, tant pour ce qui est des renseignements personnels que pour les renseignements des organisations et les services essentiels dont nous dépendons. Elle est importante parce qu’il y a toujours des acteurs malveillants qui cherchent à pénétrer dans nos systèmes, à dérober des renseignements, que ce soit par le vol d’identité, la fraude ou des cyberattaques. Il s’agit d’une activité très lucrative. Elle génère beaucoup d’argent. C’est devenu une activité très sophistiquée. Il existe tout un marché clandestin où l’on peut engager des gens pour faire ce genre de travail. C’est très préoccupant, car comme vous l’avez dit, une seule attaque peut avoir des conséquences absolument catastrophiques pour une organisation.

Permettez-moi de vous donner une idée des incidents détectés et signalés : il y en a eu environ 2 000 en 2022-2023, et chaque jour, nous bloquons en moyenne jusqu’à cinq milliards de tentatives malveillantes contre les systèmes du gouvernement du Canada. En gros, environ une attaque sur un milliard de tentatives est fructueuse, mais elle peut causer de vrais ravages dans une organisation, non seulement sur le plan de ses activités actuelles, mais aussi sur celui de ses activités futures, de sa réputation et de toutes les données qu’elle détient sur ses clients et ses partenaires.

Patricia Kosseim :

Je voudrais maintenant me concentrer sur les gens comme vous et moi qui écoutent ce balado. Que peuvent-ils faire concrètement pour mieux se protéger contre les cybermenaces?

Jason Besner :

Le vecteur d’entrée le plus populaire pour les rançongiciels et autres cyberattaques reste l’hameçonnage. Il consiste à utiliser un courriel ou une communication conçue pour inciter le destinataire à cliquer sur un lien ou à télécharger une pièce jointe qui introduira un logiciel malveillant dans le système.

L’hameçonnage est fructueux lorsqu’il prend une personne au dépourvu, quand elle est distraite. Nous avons constaté une explosion de ces tentatives d’hameçonnage pendant la pandémie, car les auteurs de menaces savaient que nous travaillions à domicile, que nous avions beaucoup de choses à faire, que les gens étaient inquiets, et on a donc assisté à une augmentation du nombre de tentatives, et on a vu que des personnes ou des utilisateurs qui, en temps normal, n’auraient pas cliqué sur quelque chose le faisaient parce qu’ils étaient surchargés.

Mon conseil serait de réfléchir à la manière dont vous recevez la communication et à la façon dont un partenaire avec lequel vous faites des affaires ou avec lequel vous avez une relation personnelle vous demanderait des renseignements. Votre banque vous demande-t-elle normalement de fournir ce type de renseignements par ce moyen? Recevez-vous normalement des messages de l’Agence du revenu du Canada vous demandant de vérifier vos données d’identification? Ce ne sont pas là des façons habituelles, de la part d’organisations bien établies, d’agir ou de chercher à obtenir des renseignements.

Il y a des signaux d’alarme. Même si le message est bien écrit ou bien présenté, si vous n’êtes pas sûr de vous, posez des questions et faites des recherches.  Si vous travaillez pour une organisation, signalez-le à votre service de TI, demandez-lui d’y jeter un coup d’œil parce qu’il vous semble suspect.

Je voudrais également diriger les Canadiens vers toutes les ressources que l’on trouve sur le site pensezcybersecurite.gc.ca. Ces ressources sont vraiment conçues pour que tout le monde puisse les utiliser et les mettre en pratique. Comme je l’ai déjà dit, les mesures de base permettent de déjouer la plupart des tentatives malveillantes. Il s’agit de savoir comment utiliser son téléphone cellulaire en toute sécurité, d’utiliser un réseau privé virtuel pour chiffrer ses communications si l’on est en déplacement au lieu d’utiliser un réseau Wi-Fi public, par exemple, de faire attention à la provenance des applications que l’on télécharge, de s’assurer qu’elles sont sécurisées, de ne pas refuser lorsqu’une application demande d’utiliser l’authentification multifactorielle. Il y a là des guides très conviviaux qui peuvent vous aider à comprendre les mesures de base et faire de vous une cible plus difficile à atteindre.

La grande majorité de ces attaques ne sont pas très sophistiquées, donc avec ces quelques mesures à prendre pour se protéger, on essaie simplement d’encourager le pirate à passer son chemin.

Patricia Kosseim :

« Maintenant nous sommes tous connectés par Internet, comme des neurones dans un cerveau géant », a dit un jour le célèbre scientifique Stephen Hawking. J’ai eu l’occasion de discuter du cerveau, ou plus précisément des neurotechnologies qui interagissent avec le cerveau, avec Jennifer Chandler, professeure de droit à l’université d’Ottawa, affiliée au Centre de droit, politique et éthique de la santé.

Jennifer et moi avons discuté de diverses applications des neurotechnologies dans les domaines de la santé, de l’emploi et du maintien de l’ordre. Nous avons parlé de certains de ses avantages étonnants, mais aussi de questions juridiques, éthiques et de protection de la vie privée qu’elles soulèvent. J’ai interrogé Jennifer sur un débat intéressant qui a cours à l’échelle internationale et qui porte sur la nécessité de reconnaître officiellement de nouveaux droits de la personne associés au cerveau et à l’esprit, des droits auxquels nous n’avons jamais eu à penser jusqu’à présent.

Dans le monde entier, bien des gens pensent aux questions que vous venez de soulever, et certains demandent à des organismes internationaux de commencer à reconnaître les nouveaux neurodroits ou droits cognitifs, et de commencer à enchâsser des notions comme le droit à la vie privée mentale, le droit à l’identité personnelle ou à sa personnalité, le droit au libre arbitre. Qu’est-ce qui se passe à l’échelle internationale concernant la codification de certains de ces neurodroits? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Jennifer Chandler :

C’est vraiment un sujet dont on parle beaucoup actuellement, à plusieurs niveaux. Des organismes internationaux comme la Division des droits de l’homme des Nations Unies, qui se penche activement sur cette question actuellement. Un rapport devrait être présenté l’automne prochain, en 2024. D’autres organismes multinationaux, régionaux, examinent cette question également, et même certains pays ont commencé à modifier leurs lois pour protéger certains aspects de ces neurodroits.  Au Chili, par exemple, le gouvernement a décidé de modifier sa législation.

La liste des droits proposés diffère, mais un des plus importants, à mon avis, est celui de la liberté cognitive, qui comprendrait le droit de modifier son propre état mental et de le protéger contre des interventions forcées.

Un autre neurodroit récemment proposé est celui de la protection de la vie privée mentale, c’est-à-dire la protection du cerveau et des expériences mentales qui y sont associées ainsi que de leur intégrité. Un autre droit important que l’on mentionne est l’accès équitable aux différentes interventions ou augmentations cérébrales. Et ce qui est inquiétant ici c’est que certaines personnes auront accès à des neuroaméliorations, d’autres pas, et que cela ne fera qu’accroître les inégalités qui existent déjà dans le monde. Ce sont là trois enjeux importants qui font l’objet de discussions.

C’est un grand débat qui a lieu entre les juristes et tous ceux qui s’intéressent à ce sujet. Nous verrons où cela nous mènera. Il y a beaucoup d’effervescence actuellement pour tenter de comprendre tout ça, et je pense sérieusement qu’il faut agir.

Patricia Kosseim :

Dans le dernier épisode de la saison, j’ai accueilli les professeures Jane Bailey et Valerie Steeves de l’Université d’Ottawa, qui m’ont parlé de leurs recherches et des défis uniques auxquels les jeunes filles sont confrontées dans le monde numérique. Elles ont souligné le rôle crucial de l’éducation pour relever ces défis; il ne s’agit pas simplement d’établir des règles, mais de prévoir des échanges plus éclairés et plus pertinents entre les jeunes, le personnel enseignant et les décideurs. Dans cet extrait, la professeure Steeves évoque la nécessité d’une démarche éducative ancrée dans la démocratie et axée sur la compréhension afin de donner du soutien aux jeunes filles et de les autonomiser à notre époque numérique.

Valerie Steeves :

Dans ce genre de situation, nous donnons souvent des consignes aux enfants. Ne mettez pas votre nom sur Internet, ne mettez pas de photo, ne faites pas ceci, ne faites pas cela, et ils nous regardent et nous disent, ce n’est pas une solution. Ce n’est même pas le problème, mais ce n’est pas non plus la solution. Je pense donc que cette question nécessite vraiment beaucoup de sensibilisation, qui s’appuie sur un dialogue éclairé entre les gens.

Nous en faisons donc beaucoup, nous examinons ces questions et nous essayons de créer un environnement, en particulier dans les écoles, mais aussi dans les groupes communautaires, où les jeunes peuvent parler de situations différentes de celles qu’ils vivent et exprimer leurs préoccupations à ce sujet. Nous avons donc réalisé un film de 20 minutes qui se passe dans un avenir proche et qui raconte la vie d’une jeune fille qui utilise une technologie semblable à Google Glass pour améliorer ses notes en mathématiques, ce qui finit par avoir pour elle toutes sortes de conséquences sociales et politiques.

Nous créons donc des exemples de ce genre que les jeunes peuvent utiliser en classe pour parler de ces questions et en discuter entre eux, mais aussi avec leurs enseignants, leurs parents et les adultes de leur entourage, afin de combler cet écart et de permettre aux adultes de comprendre exactement ce à quoi ces enfants sont confrontés.

Patricia Kosseim :

Nous avons ensuite discuté du projet de charte de la protection de la vie privée pour les écoles ontariennes que mon bureau a élaborée. Elle énonce des principes et des engagements de haut niveau en vue de protéger les enfants en ligne, mais aussi de promouvoir leur littératie numérique et leur autonomie. J’ai demandé à Jane si l’adhésion à cette charte rapporterait des avantages tangibles aux écoles et conseils scolaires de l’Ontario.

À votre avis, quels seraient les avantages d’adhérer à une telle charte pour les écoles et les conseils scolaires de l’Ontario?

Jane Bailey :

Je crois qu’avant tout, vous montrez ainsi au public que votre organisme est respectueux des droits, et qu’il privilégie les gens qu’il faut privilégier dans le système d’éducation, c’est-à-dire les jeunes. Je pense qu’idéalement, tous les enseignantes et enseignants souhaiteraient être d’avant-garde sur cette question.

Et je suppose qu’après avoir pris cet engagement, il faut prendre des mesures concrètes. On ne peut pas simplement dire qu’on y souscrit, parce qu’on nous demandera tôt ou tard de rendre des comptes. Ça ne veut pas dire que le résultat sera toujours bon, probablement pas.  Mais cela vous positionne en tant qu’organisme qui déclare qu’il souscrit tellement à ce projet qu’il est disposé à l’approuver publiquement, tout en sachant que cela donnera lieu à des débats sur la manière d’y parvenir et de reconnaître que nous allons commettre des erreurs et l’accepter.

Patricia Kosseim :

Voilà, ce n’est qu’un aperçu des entretiens passionnants que nous avons eus tout au long de la troisième saison de L’info, ça compte. J’espère que vous avez aimé cette rétrospective de nos meilleures conversations. Si c’est le cas, vous pouvez toujours écouter l’épisode qui vous a le plus intéressé.

Nous nous préparons à lancer une toute nouvelle série d’épisodes stimulants pour notre quatrième saison de L’info, ça compte, et j’espère que vous serez des nôtres. Merci à tous d’avoir été là, et à la prochaine.

Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous avez écouté L’info, ça compte. Si vous avez aimé ce balado, laissez-nous une note ou un commentaire. Si vous souhaitez que nous traitions d’un sujet qui concerne l’accès à l’information ou la protection de la vie privée dans un épisode futur, communiquez avec nous. Envoyez-nous un gazouillis à @IPCinfoprivacy ou un courriel à @email. Merci d’avoir été des nôtres, et à bientôt pour d’autres conversations sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. S’il est question d’information, nous en parlerons.

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