Comment nous avons défendu les droits des Ontariennes et des Ontariens en matière de vie privée et d’accès en 2024
Comme l’a dit le philosophe John Dewey, « nous n’apprenons pas par l’expérience... Nous apprenons en réfléchissant sur l’expérience ».
Chaque année, en décembre, nous avons l’occasion de réfléchir à nos expériences de l’année qui se termine. En général, je décris nos travaux relevant de nos quatre priorités stratégiques :
1) La protection de la vie privée et la transparence dans un gouvernement moderne; 2) Les enfants et les jeunes dans un monde numérique; 3) La prochaine génération des forces de l’ordre; 4) La confiance dans la santé numérique.
Cette année, j’aimerais revenir sur nos activités de 2024 sous un angle différent, celui de nos quatre approches transversales. Elles décrivent la façon dont nous nous sommes engagés à travailler.
- Nous tiendrons compte des facteurs liés à l’accessibilité et à l’équité
Tout au long de 2024, nous avons poursuivi nos efforts en vue de protéger les droits des personnes les plus vulnérables en matière de vie privée et d’accès à l’information.
Par exemple, nous avons recommandé fortement que le projet de loi 194 soit amendé afin que les renseignements personnels des enfants soient considérés comme étant de nature délicate.
Nous avons formulé des conseils sur le projet 188 prévoyant des modifications à la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (LSEJF) afin de protéger les droits en matière de vie privée et d’accès à l’information des personnes qui sont ou ont déjà été en contact avec le système de bien-être de l’enfance de l’Ontario. Nous avons recommandé que toute mesure prise par le ministère pour protéger les enfants, les jeunes et les familles vulnérables en vertu de cette loi soit transparente, soumise à l’examen du public et assortie de mesures rigoureuses et proportionnelles de protection de la vie privée et de surveillance.
Nous avons également réclamé une meilleure protection des enfants dans les écoles. En octobre, le CIPVP a lancé la Charte de la protection de la vie privée numérique pour les écoles ontariennes et invité les administrateurs des écoles et les responsables des conseils scolaires à y souscrire. Cette charte comprend 12 engagements volontaires que les écoles peuvent prendre afin de protéger l’intérêt supérieur des élèves en matière de vie privée, par exemple, protéger les renseignements personnels des élèves qui utilisent des outils éducatifs numériques et des plateformes technologiques, et donner aux élèves les moyens de comprendre et d’exercer leur droit à la vie privée en leur fournissant notamment des avis adaptés à leur âge sur les outils et services éducatifs numériques et des directives pour régler leurs paramètres de confidentialité.
Dans un épisode récent de L’info, ça compte, je me suis entretenue avec Anthony Carabache de l’Ontario English Catholic Teachers’ Association. Il a souligné l’occasion donnée aux écoles de souscrire à la charte compte tenu de l’utilisation croissante de la technologie en classe. Nous avons discuté des risques bien réels que courent les enfants lorsqu’ils accèdent à des applications ou sites Web commerciaux qui pourraient influer sur leur comportement ou comprendre des mécanismes de conception trompeuse.
En réponse à une recommandation du coroner en chef de l’Ontario, notre bureau s’est penché sur l’impact généralisé de la violence conjugale, surtout sur les femmes et les jeunes filles. En mai, le CIPVP a publié un document d’orientation à l’intention des professionnels sur la communication responsable de renseignements en vue de prévenir la violence conjugale. Notre publication explique les circonstances où les lois ontariennes sur la protection de la vie privée permettent la communication de renseignements personnels en cas de risque grave pour la santé ou la sécurité.
J’ai parlé de cet important sujet avec Priya Shastri, directrice des programmes de WomanACT, lors d’un autre épisode récent de L’info, ça compte. WomanAct a été l’un de nos principaux partenaires lors de l’élaboration de notre document d’orientation sur la violence conjugale. Cet organisme a organisé des discussions de groupe auxquelles ont participé des victimes et survivantes de violence conjugale afin de saisir toute l’importance de la communication de renseignements, de l’établissement de rapports fondés sur la confiance avec les victimes et survivantes, et de l’adoption d’une approche collaborative tenant compte des traumatismes pour lutter contre la violence conjugale, surtout dans les communautés marginalisées.
Tout au long de 2024, nous avons continué à nous familiariser avec les concepts autochtones de vie privée et de souveraineté des données. Jonathan Dewar, président-directeur général du Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, a été invité à prendre la parole lors de la réunion annuelle des commissaires et ombuds fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) à l’information et à la protection de la vie privée, où il nous a rappelé notre responsabilité collective de tendre la main aux communautés concernées et de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
J’ai eu récemment l’honneur et le privilège de prononcer une allocution devant l’Association of Native Child and Family Services Agencies of Ontario, où j’ai vu et entendu des preuves tangibles de l’impact systémique, multiple et intergénérationnel de la surreprésentation des jeunes autochtones dans le système de bien-être de l’enfance.
J’ai également eu un entretien inspirant et révélateur avec Jeff Ward, PDG d’Animikii, dans un autre épisode récent du balado L’info, ça compte sur le lien de longue date entre la technologie et les cultures autochtones. Jeff a évoqué la nécessité sur le plan éthique de reconnaître la souveraineté des données et les intérêts collectifs en matière de protection de la vie privée, ainsi que le fait que l’intégration de valeurs et de principes autochtones au moment de la conception de nouvelles technologies peut autonomiser les communautés.
Cette année, nous avons consacré plusieurs autres épisodes de L’info, ça compte aux questions relatives à la protection de la vie privée et à l’accès à l’information qui touchent les groupes et communautés vulnérables. Par exemple, avec Rob Fabes de la Mission d’Ottawa, nous avons parlé des défis auxquels doivent faire face les personnes en situation d’itinérance en matière de vie privée, d’accès et d’identité.
Dans un autre épisode, les professeures Jane Bailey et Valerie Steeves de l’Université d’Ottawa ont abordé l’environnement hostile des médias sociaux et la violence facilitée par la technologie, qui touchent particulièrement les jeunes femmes et les jeunes filles.
- Nous ferons preuve d’audace tout en restant ancrés dans le pragmatisme
Nous avons entrepris l’année 2024 en publiant un document d’orientation sur le recours aux pénalités administratives pécuniaires (PAP) que nous pouvons imposer en vertu de la loi ontarienne sur la protection des renseignements personnels sur la santé depuis le 1er janvier. Ce document traite des critères sur lesquels le CIPVP se fondera pour imposer des PAP et en établir le montant. En faisant fond sur notre démarche audacieuse mais pragmatique, nous avons fait part de notre intention de réagir de façon proportionnelle aux atteintes à la vie privée, en privilégiant l’information, les conseils et les recommandations dans toute la mesure du possible pour assurer la conformité à la loi, et en réservant les PAP aux cas les plus graves.
Également en 2024, nous avons lancé la Vitrine de la transparence 2.0 du CIPVP. La beauté et les avantages de la transparence est une exposition virtuelle en ligne mettant en vedette plusieurs projets et initiatives de données ouvertes et de gouvernement ouvert d’institutions publiques visant à améliorer le quotidien des Ontariennes et Ontariens grâce à une transparence accrue. Il n’est pas étonnant que les organismes de réglementation hésitent à se montrer positifs à l’égard de pratiques relatives aux données qui, un jour, pourraient faire l’objet de plaintes ou d’appels sur lesquels devraient être menées des enquêtes impartiales. Cela dit, il est également très utile de montrer des pratiques exemplaires pour inspirer les autres à faire mieux, et c’est pourquoi nous avons lancé cette initiative audacieuse mais pragmatique afin de favoriser la conformité de façon positive, avec toutes les réserves qui s’imposent.
Sur la scène législative, nous avons connu une année fébrile caractérisée par une conjoncture en évolution constante. Ces derniers temps, nous avons constaté une tendance préoccupante à déposer à la hâte de nouvelles lois sans prendre le temps de tenir des consultations publiques et des débats à leur sujet. Malgré tout, nous continuons d’exprimer notre opinion et de proposer au gouvernement des recommandations pragmatiques afin de lui permettre de réaliser ses objectifs stratégiques tout en respectant les droits de la population ontarienne en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée.
Par exemple, comme je l’ai mentionné dans mon dernier billet de blogue, le gouvernement a adopté le projet de loi 194, la Loi de 2024 visant à renforcer la cybersécurité et la confiance dans le secteur public, sans amendements, alors que le CIPVP avait recommandé 28 amendements afin de renforcer la protection et la surveillance dans les domaines de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle, des technologies numériques destinées aux enfants et de la protection des données.
L’annexe 2 de la Loi de 2024 sur le désengorgement du réseau routier et le gain de temps prévoit une modification qui a pour effet de soustraire certains documents liés à des chantiers routiers prioritaires aux demandes d’accès à l’information. Le CIPVP a recommandé fortement de retirer cette modification et de s’en remettre à des critères bien établis et éprouvés de la Cour suprême du Canada pour évaluer les renseignements commerciaux confidentiels. Mais on n’a pas donné suite à cette recommandation non plus.
L’annexe 6 du projet de loi 231, la Loi de 2024 pour plus de soins commodes, propose de modifier la Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé afin d’instaurer des identifiants Santé numériques en vue de permettre l’accès des particuliers à leur dossier de santé électronique (DSE) et à d’autres services de santé numériques. Le CIPVP a formulé des recommandations qui visaient à faire en sorte que ce projet de loi puisse atteindre ses objectifs stratégiques tout en rehaussant le droit d’accès, et également à la clarifier et à en permettre l’application de façon plus claire et pratique. Les travaux de l’Assemblée législative ont été suspendus la semaine dernière avant qu’un comité ne puisse se pencher sur le projet de loi 231.
Ces revers et déceptions ne nous empêcheront pas de continuer à défendre les droits de la population ontarienne en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée et à fournir des conseils d’expert à l’Assemblée législative.
- Nous nous efforcerons de consulter et de collaborer
Tout au long de l’année, les documents que nous avons publiés sur des sujets tels que le recours à des fournisseurs externes, la communication de renseignements en contexte de violence conjugale et les systèmes de reconnaissance des plaques d’immatriculation ont été le fruit de consultations ciblées menées auprès de parties concernées, qui nous ont fourni des observations pertinentes au cours de leur élaboration. Les membres du Conseil consultatif stratégique du CIPVP nous ont également fait part de commentaires précieux qui nous ont permis d’améliorer considérablement nos documents.
En octobre 2024, nous avons eu l’immense honneur d’accueillir à Toronto les commissaires et ombuds fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) à l’information et à la protection de la vie privée pour leur réunion annuelle. Ce fut une excellente occasion de discuter d’enjeux clés, de rehausser la collaboration entre territoires de compétence et de réitérer notre engagement de protéger ensemble les droits de tous les Canadiens et Canadiennes en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée.
En novembre, nous avons publié une résolution conjointe FPT sur l’identification et l’atténuation des préjudices pour la vie privée découlant des mécanismes de conception trompeuse (MCT). Nous nous sommes engagés à collaborer avec les gouvernements et d’autres parties intéressées pour moderniser les normes de conception, réduire l’exposition aux mécanismes de conception trompeuse et préconiser des mécanismes de conception favorables à la vie privée qui respectent l’autonomie des utilisateurs.
Nous avons également fait fond sur notre document d’orientation sur la violence conjugale en demandant à nos collègues FPT d’étendre nos travaux à l’échelle nationale. Notre collaboration a donné lieu à une résolution conjointe des commissaires et ombuds à la protection de la vie privée du pays concernant la communication responsable de renseignements en situation de violence conjugale.
À la fin de l’année, avec les autres commissaires et ombuds à l’information du Canada, nous avons publié une troisième résolution conjointe réclamant une transparence accrue dans la prestation des services publics. Elle préconise l’intégration de la transparence dans les nouveaux systèmes, processus administratifs et modèles de gouvernance dès les premières étapes de leur conception et de leur mise en œuvre. Ces résolutions conjointes montrent que notre engagement de collaborer à des enjeux d’intérêt national en matière de protection de la vie privée et d’accès à l’information est plus solide que jamais.
De plus, le 25 novembre, en collaboration avec nos homologues de Colombie-Britannique, nous avons enfin rendu public notre rapport d’enquête conjoint de 2020 sur la cyberattaque commise en 2019 contre les systèmes informatiques de LifeLabs, qui s’est répercutée sur des millions de Canadiennes et de Canadiens. La tentative de cette entreprise d’interdire la publication de ce rapport a pris fin soudainement après que la Cour d’appel de l’Ontario eut rejeté la motion en autorisation d’appel de la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario. Celle-ci avait confirmé nos conclusions selon lesquelles les renseignements contenus dans le rapport d’enquête sur l’atteinte à la vie privée commise contre Lifelabs n’étaient pas visés par le secret professionnel de l’avocat ni par le privilège relatif au litige. Cette cour de première instance avait également confirmé le pouvoir de notre bureau de communiquer des renseignements à nos collègues de Colombie-Britannique et de mener une enquête conjointe, ce qui nous a permis de réitérer notre engagement de collaborer avec d’autres organismes de réglementation à des affaires touchant l’exécution de la loi dans toute la mesure du possible, lorsque la situation s’y prête.
- Nous développerons les connaissances, les compétences et les capacités nécessaires, tant en interne qu’en externe
Le 11 décembre, le CIPVP a créé un nouveau Carrefour de la recherche et de l’innovation, où l’on peut trouver des rapports de recherche approfondis proposant des idées originales et des analyses exhaustives sur des enjeux en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée. Ces rapports de recherche rédigés en collaboration avec des chercheurs et universitaires de renom ont pour but de miser sur leur expertise pour faire avancer le savoir sur les technologies émergentes et des approches novatrices en vue d’orienter l’avenir de la protection de la vie privée et de l’accès à l’information.
Notre première publication, dont les coautrices sont Teresa Scassa, Ph. D. et Elif Nur Kumru de l’Université d’Ottawa, a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines et rédigée en collaboration avec le CIPVP. Elle donne des indications précieuses sur le recours aux bacs à sable réglementaires pour la protection de la vie privée afin de permettre le développement, la mise à l’essai et la validation de produits ou de services avant leur mise en marché, sous la supervision d’un organisme de réglementation.
Nous avons soutenu ou commandé d’autres rapports de recherche sur des sujets spécialisés, comme la protection de la vie privée des employés, les systèmes d’aéronefs télépilotés (ou drones) et la neurotechnologie. Ces rapports seront également publiés l’année prochaine dans notre Carrefour de la recherche et de l’innovation.
Pour approfondir nos connaissances et nos capacités concernant des enjeux pointus, nous tenons également chaque année un événement à l’occasion de la Journée de la protection des données, auquel participent des milliers de personnes en ligne et sur place. En 2024, cet événement portait sur l’intelligence artificielle dans le secteur public, et un enregistrement est toujours accessible sur notre chaîne YouTube. Notre prochain événement à l’occasion de la Journée de la protection des données aura lieu le 28 janvier 2025; il portera sur les technologies d’amélioration de la confidentialité. Il est encore temps de s’y inscrire ici!
Conclusion
C’est le moment de l’année où des dictionnaires et médias ont déjà annoncé leur « mot de l’année » pour 2024. Ainsi, Oxford University Press a choisi brain rot (« pourriture cérébrale »), et la revue The Economist a préféré kakistocracy (« kakistocratie »). Quant au dictionnaire Merriam-Webster, il a privilégié polarization (« polarisation »), et Cambridge a choisi le verbe manifest (« manifester »).
Aucun thème commun ne se dégage de ces mots. Je choisirais plutôt, quant à moi, le mot « éveil ». Si 2023 a été marquée par le lancement public et la distribution massive d’outils comme ChatGPT que tout le monde peut essayer, c’est en 2024 que l’on a constaté l’éveil à cette nouvelle réalité. Les citoyens, entreprises et gouvernements du monde entier ont pris conscience de tout ce que l’IA peut faire pour améliorer et faciliter notre quotidien, mais aussi de ses répercussions éventuelles sur la vie privée et les droits de la personne, sans compter l’éducation, l’emploi, les arts et la culture, la sécurité et l’ordre mondial. Le monde a pris conscience du fait que la technologie pourrait transformer notre vie.
L’an prochain, nous aurons beaucoup de pain sur la planche, surtout compte tenu de l’adoption de la loi 194 et de la prise de règlements connexes sur l’IA, la cybersécurité et la protection de la vie privée des enfants en Ontario. Nous continuerons à préconiser un régime réglementaire solide, cohérent et adapté, assorti de mesures de protection rigoureuses des droits en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée dans tous les secteurs de l’Ontario. Et on peut espérer que l’an prochain, le mot de l’année sera « action ».
Entre-temps, je vous souhaite, à vous et à votre famille, de très joyeuses fêtes, et je suis impatiente de poursuivre notre important travail avec vous l’an prochain.
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