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S1-Épisode 9 : Adolescents, technologie et vie privée

L’info, ça compte

Textage, clavardage, échange de photos et de vidéos – les adolescents communiquent par tellement de moyens que leurs parents ne savent plus où donner de la tête! Cet épisode aborde l’utilisation que les adolescents font des technologies en ligne, leur vision de la vie privée et l’aide que leurs parents peuvent leur apporter afin qu’ils évoluent dans le monde numérique de façon sécuritaire et éthiqueLa commissaire discute avec Matthew Johnson, directeur de l’éducation chez HabiloMédias, un organisme canadien sans but lucratif qui aide les enfants et les jeunes à développer l’esprit critique dont ils ont besoin pour devenir des citoyens numériques bien informés.

Remarques

Matthew Johnson est le directeur de l’éducation à HabiloMédias, organisme de bienfaisance canadien, sans but lucratif, qui œuvre pour l’éducation aux médias et la littératie numérique. Il est l’auteur d’un grand nombre de leçons, de documentation à l’intention des parents et de ressources interactives pour HabiloMédias, et il fait partie de la direction de projets de recherche à HabiloMédias.

  • Les jeunes se soucient-ils de la protection de la vie privée? [6:13]
  • Comment les adolescents préparent leur image en ligne et utilisent différentes plateformes pour contrôler qui voit quoi [6:46]
  • Sensibilisation des adolescents à la valeur de leurs renseignements personnels pour les réseaux sociaux et les annonceurs [8:49]
  • Aider les jeunes à comprendre et à utiliser les réglages techniques pour la protection de la vie privée afin de limiter la collecte de données et la publicité ciblée [10:13]
  • Combien de temps d’écran est excessif? [11:20]
  • Encourager l’utilisation réfléchie des appareils numériques [14:00]
  • Servir de modèle pour encourager les adolescents à adopter des habitudes technologiques saines [15:17]
  • Fixer des règles à la maison pour l’utilisation des appareils numériques [16:08]
  • Respect, empathie et éthique [17:32]
  • Consentement et zones grises concernant l’échange de sextos et d’images intimes [20:41]
  • Conseils pratiques pour les adolescents, les parents et les enseignants concernant l’éthique liée à la protection de la vie privée et au numérique [23:15]
  • Le défi : sensibiliser les adolescents aux risques pour la protection de la vie privée dans différents contextes et les habiliter à agir [26:47]

Ressources :

L’Info, ça compte est un balado sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information animé par Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée. Avec des invités de tous les milieux, nous parlons des questions qui les intéressent le plus sur la protection de la vie privée et l’accès à l’information.

Si vous avez aimé cet épisode, laissez-nous une note ou un commentaire.

Vous aimeriez en apprendre plus sur un sujet lié à l’accès à l’information ou la protection de la vie privée? Vous aimeriez être invité à une émission? Envoyez-nous un gazouillis à @IPCinfoprivacy ou un courriel à @email.

Transcriptions

Patricia Kosseim :

Bonjour. Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous écoutez L’info, ça compte, un balado sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Nous discutons avec des gens de tous les milieux des questions concernant l’accès à l’information et la protection de la vie privée qui comptent le plus pour eux.

Chers auditeurs, je vous souhaite la bienvenue à un autre épisode de L’info, ça compte. Alors que la pandémie se prolonge, nous passons tous beaucoup de temps en ligne, et c’est particulièrement le cas de nos enfants. Dans la société numérique actuelle, où tout va très vite, il est important d’apprendre aux enfants à acquérir les compétences numériques dont ils ont besoin pour naviguer sur le terrain glissant du monde en ligne et protéger leurs renseignements personnels. C’est vraiment important. C’est pourquoi mon bureau a choisi “Les enfants et les jeunes dans un monde numérique” parmi les priorités stratégiques qui guideront notre travail au cours des quatre prochaines années.

En fait, dans un autre épisode, je me suis entretenue avec Daniel Solove des moyens pour amorcer une conversation sur la vie privée avec nos enfants en bas âge avec des livres qui racontent des histoires de héros et de vilains pour expliquer aux enfants en quoi la protection de la vie privée est une valeur humaine importante. Plus récemment, mon bureau a lancé un livre de jeux et d’activités pour enfants appelé Ta vie privée : c’est à toi!, qui s’adresse aux enfants d’âge scolaire et vise à leur enseigner comment protéger leurs renseignements personnels en ligne au moyen de jeux et d’activités qu’ils peuvent faire avec leurs amis ou des membres de leur famille de façon amusante et accessible.

Dans l’épisode d’aujourd’hui, j’aimerais porter notre attention sur les adolescents et explorer la question de la protection de la vie privée de leur point de vue, reconnaissant leur capacité, plus développée et empreinte de maturité, à comprendre le monde en ligne qui les entoure. Quels genres de soutiens pouvons-nous leur fournir pour gérer les risques qu’il y a à être constamment en ligne? Comment pouvons-nous les amener à s’engager avec les autres en ligne de façon plus éthique et empathique?

Nous parlons donc de certaines mesures que nous pouvons prendre, pour nous-mêmes et nos adolescents, et des compétences dont nous avons tous besoin pour être des citoyens actifs et informés dans l’univers numérique d’aujourd’hui. Mon invité pour cet épisode est Matthew Johnson. Il est le directeur de l’éducation à HabiloMédias : le centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique.

HabiloMédias est un organisme sans but lucratif qui élabore des ressources de littératie numérique et médiatique qu’on peut utiliser à la maison, dans les écoles et dans les collectivités. Matthew a conçu bon nombre des cours, des documents destinés aux parents et des ressources interactives d’HabiloMédias, et il est responsable de projets de recherche de HabiloMédias. Soyez le bienvenu, Matthew.

Matthew Johnson :

Merci de m’avoir invité.

PK :

Je vous connais et je connais votre merveilleux travail depuis de nombreuses années, mais ce n’est peut-être pas le cas de la plupart de nos auditeurs en ligne. Commencez donc par nous parler un peu de vous, de la façon dont vous êtes arrivé dans le domaine de l’éducation numérique et médiatique, et pourquoi vous pensez que c’est si important.

MJ :

Avant de commencer chez HabiloMédias, j’ai travaillé pendant une dizaine d’années en tant que titulaire de classe, principalement au niveau secondaire. Ma formation d’origine est en fait en théâtre, et c’est étonnant, mais très souvent, elle m’est bien pratique lorsque je fais des voix de pirates dans les deux langues officielles pour Pirates de la vie privée, qui est l’une de nos ressources sur la vie privée pour les jeunes enfants, ou lorsque je fais des exposés, des podcasts et des choses comme ça.

Je suis également père de deux garçons, de 10 et 13 ans. Je les vois donc explorer différents médias à mesure qu’ils grandissent. Je les ai vus se confronter aux questions sur lesquelles nous travaillons, de la vie privée à l’éthique, en passant par la mésinformation, parfois de manière très surprenante. Cela a été une véritable révélation pour moi. Et bien sûr, cela me permet de comprendre chaque jour à quel point il est important d’enseigner aux enfants des compétences en matière de médias numériques. Leur vie est de plus en plus numérique.

C’est particulièrement le cas pour les adolescents, plus encore que pour les enfants plus jeunes, dont une grande partie de la vie sociale, voire de leurs interactions avec leur famille, se fait désormais directement par le biais de la technologie ou avec l’aide de celle-ci. Il faut donc les aider à gérer des questions telles que la vie privée et l’éthique de la vie privée, les aider à acquérir des habitudes conscientes d’empathie lorsqu’ils interagissent par des moyens qui ne fournissent pas nécessairement des indices d’empathie tels que l’expression du visage ou le ton de la voix sur lesquels nous comptons, les aider à trouver et à évaluer correctement des informations en ligne. Toutes ces choses sont des compétences de vie qu’ils doivent acquérir tôt.

Les adolescents peuvent subir pendant très longtemps les conséquences de leurs expériences vécues en ligne… une photo qui n’aurait pas dû être partagée, ou le profil de données qui est constitué à leur sujet, peut se répercuter sur les offres d’emploi qu’ils voient, et sur le fait de savoir si leur CV sera choisi dans la pile virtuelle, ou si on leur accordera un prêt hypothécaire. Tout ça peut avoir un impact sur eux pendant toute leur vie.

Nous avons donc une réelle mission chez HabiloMédias. Évidemment, depuis toujours, nous reconnaissons que la littératie numérique est importante, mais elle prend plus d’importance de jour en jour.

PK :

Eh bien, merci, Matthew, pour cette fascinante introduction. Je pense que cela aide vraiment à mettre en contexte notre conversation d’aujourd’hui. Je vais commencer tout de suite par une question brûlante. On dit souvent qu’à notre époque, les enfants ne se soucient pas vraiment de la vie privée. Est-ce vrai? Ou est-ce qu’ils s’en soucient, mais d’une manière différente?

MJ :

Des recherches ont montré que les jeunes se soucient toujours réellement de leur vie privée, mais qu’ils la conceptualisent d’une manière que les générations plus âgées ne reconnaissent peut-être pas. Dans presque tous les cas, les adolescents ne souhaitent pas interagir avec des inconnus en ligne. Ils utilisent les médias sociaux pour interagir avec leurs amis.

Et cela signifie qu’ils sont beaucoup plus soucieux de protéger leur réputation. Ils sont beaucoup plus soucieux de soigner leur image en ligne. Nos recherches montrent qu’ils prennent beaucoup plus de soins, de temps et d’énergie à penser à l’image qu’ils projettent et à gérer cette image, et ils ont différents moyens d’y parvenir.

Une de leurs plus importantes préoccupations est de ne pas dépasser les limites. De contrôler l’audience. Ce n’est pas seulement une question de ce que vous mettez en ligne, c’est aussi la question de savoir qui voit les différentes choses que vous affichez. Ainsi, ils utilisent différentes plateformes pour communiquer avec différents groupes. Souvent, ils utilisent Facebook pour communiquer avec les membres de leur famille, mais ils utilisent un autre réseau social, comme Instagram ou Snapchat, pour communiquer avec leurs amis. Ou ils peuvent faire une distinction entre les groupes d’amis avec lesquels ils communiquent dans différents réseaux sociaux ou bien ils peuvent ouvrir de multiples comptes. Toutes ces choses sont très subtiles à bien des égards et, vues de l’extérieur, elles peuvent donner à penser que les jeunes ne font rien pour protéger leur vie privée, parce que les mesures qu’ils prennent sont claires uniquement si vous comprenez la stratégie sur laquelle elles sont fondées.

Cependant, ils gèrent ce qu’ils échangent en ligne. Nos propres recherches nous ont montré qu’il y a beaucoup de pression pour que vous affichiez ce qui donne une belle image de vous, des choses comme ce que vous achetez ou ce que vous portez, mais aussi une réelle préoccupation d’éviter la critique. Un certain nombre de jeunes qui ont participé à notre étude sur l’échange de photos ont dit qu’ils n’afficheraient jamais une photo qui montre leur visage, qu’ils feraient disparaître leur visage ou le couvriraient dans la photo, parce qu’ils disent que chaque fois que vous montrez une photo de votre visage, vous recevez des critiques.

Ils prennent définitivement différentes mesures pour gérer leur vie privée. Ce qu’ils ne comprennent pas nécessairement est beaucoup plus abstrait : c’est l’aspect « protection des données liées à la vie privée » de ce qu’ils font en ligne. Nos recherches montrent qu’ils ne comprennent pas comment les réseaux sociaux font de l’argent. Ils ne comprennent pas la valeur que leurs renseignements personnels ont pour les réseaux sociaux et les annonceurs. Mais je rappelle que ce n’est pas parce qu’ils s’en foutent. En fait, nous avons constaté que quand ils s’en rendent compte, quand ils comprennent les répercussions de ces pratiques, ils s’en soucient énormément et veulent prendre les mesures nécessaires pour gérer ça.

PK :

Je dirais que vous venez de décrire un adolescent très sophistiqué. Il semble faire des choix délibérés quant à ce qu’il publie, où, sur quelle plateforme, à l’intention de qui, etc. Je voulais vous demander, d’après les résultats de vos recherches ou ce que vous savez, dans quelle mesure les adolescents sont-ils capables d’utiliser les contrôles de confidentialité, de réinitialiser les réglages de confidentialité par défaut et de prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs informations.

MJ :

Notre recherche la plus récente montre qu’ils le font dans une certaine mesure. Chose certaine, ils connaissent les paramètres et les réglages pour protéger leur vie privée.

Je pense que nous avons certainement encore du travail à faire pour les aider à utiliser les réglages techniques de confidentialité comme un moyen supplémentaire de gérer la vie privée. Et surtout les réglages qui limitent la collecte de données ou la publicité ciblée. Tous les outils en ligne ne permettent pas d’éviter complètement la collecte de données, mais la plupart permettent de la limiter dans une certaine mesure, et permettent au moins de désactiver le ciblage publicitaire sur cette base. Mais il s’agit là encore d’un sujet que les enfants connaissent très peu et dont ils ne comprennent pas les répercussions. Mais quand ils comprennent, ils s’en soucient. Comme quand il s’agit de protéger sa réputation, pour les inciter à faire des efforts, il faut les aider à comprendre le problème et à s’en préoccuper, puis leur fournir immédiatement les outils nécessaires pour qu’ils puissent agir.

PK :

J’aimerais parler un peu du temps d’écran. Nous savons que le temps d’écran a augmenté considérablement, en particulier pendant la pandémie quand les enfants, les adolescents, et nous tous, étions confinés à la maison. En tant que membre du Groupe de travail sur la santé numérique de la Société canadienne de pédiatrie, j’ai appris que vous participez à la rédaction de recommandations concernant le temps d’écran pour les enfants. Alors, combien de temps d’écran est trop de temps d’écran?

MJ :

Il n’y a pas de réponse simple à cette question, et c’est un des changements importants que nous avons faits. Nous faisons encore des recommandations sur le temps d’écran pour les enfants plus jeunes. L’objectif pour les enfants de 2 ans et moins c’est zéro. Ça n’a pas changé. Pour les enfants plus âgés, nous recommandons une limite de deux heures. Une des grandes questions à laquelle nous avons dû répondre l’an dernier c’était évidemment : « Comptez-vous les heures de cours? » Parce que si vous comptez les heures de cours en ligne pendant le confinement, évidemment, vous aurez dépassé cet objectif dès l’heure du dîner.

Ce qui nous amène à parler des adolescents. Généralement, notre approche ce n’est pas de dire, encore une fois, que le temps passé devant un écran est une mauvaise chose, mais plutôt que ça empêche les ados de faire autre chose. Alors, avec les adolescents, ce qu’il faut d’abord se demander c’est si le temps qu’ils passent devant l’écran les empêche de faires d’autres choses importantes dans leur vie. Est-ce que le temps d’écran leur enlève du temps passé avec des amis ou des membres de la famille? Et nous savons qu’au cours de deux dernières années, pour beaucoup de jeunes, les médias numériques ont été une bouée de sauvetage qui leur a permis de garder le contact avec leurs parents et amis. Et même maintenant. Souvent, ils utilisent des appareils numériques comme supplément à la socialisation en personne. C’est une façon de faire des plans. C’est une façon de se tenir au courant. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Cependant, si l’utilisation de ces appareils empêche les enfants de passer du temps avec leur famille ou leurs amis, alors oui, ça devient une mauvaise chose.

Si ça réduit les heures de sommeil, et c’est un des enjeux, en plus de la question de sédentarité, qui peut signaler l’impact le plus direct. Pour une raison évidente : si vous utilisez un appareil numérique, vous ne dormez pas. C’est pour cette raison que nous recommandons de ne pas permettre d’appareils numériques dans la chambre. Environ 4 enfants sur 10 dans notre recherche qui ont des téléphones intelligents disent qu’ils se lèvent pendant la nuit pour vérifier s’ils ont des messages. Cela n’est évidemment pas bon pour eux, surtout à un âge où déjà ont n’a pas suffisamment de sommeil.

L’autre chose que nous surveillons c’est la qualité de l’utilisation de l’écran. Il ne s’agit pas seulement de diminuer l’utilisation négative de l’écran, mais de penser à ce qui constitue une utilisation positive. Utiliser l’écran de façon réfléchie et active, c’est-à-dire se lever de temps en temps pour marcher. Ce pourrait être un jeu d’exercice comme Ring Fit, ou ce pourrait être un jeu qui demande d’aller dehors, comme Pokemon Go. Les utilisations créatives, qui demandent de faire quelque chose, comme faire quelque chose de physique et apprendre comment en ligne, ou faire quelque chose de virtuel, comme de la musique, du codage, des animations, peu importe. Les utilisations qui sont créatives, qui vous font faire quelque chose, quelque chose de physique et qui vous montrent comment le faire en ligne, ou faire quelque chose de virtuel, faire de la musique, du codage, des animations, peu importe. Les utilisations éducatives, qui vous permettent d’apprendre quelque chose. Ou les utilisations vraiment sociales, où vous avez de véritables interactions avec d’autres personnes au lieu de simplement parcourir des pages Web, sans but, et « liker », et vous laisser emporter par le courant.

Alors, ce que nous voulons encourager vraiment chez les jeunes, c’est l’utilisation réfléchie, et non compter les heures, les minutes, imposer des limites au temps d’écran, en particulier chez les adolescents. Parce que tôt ou tard, pendant qu’ils sont encore ados ou après qu’ils auront quitté la maison, ils devront apprendre à gérer leur propre temps d’écran. Nous devons les aider à acquérir des habitudes qui favorisent l’utilisation réfléchie des appareils numériques, comme un outil que nous utilisons à des moments spécifiques pour des raisons particulières. Nous ne les consultons pas seulement parce que nous nous ennuyons. Et nous devons nous employer à adopter les mêmes habitudes, pour servir de modèle. Nous devons faire attention de ne pas faire ce que nous leur disons de ne pas faire.

Nous pouvons aussi leur enseigner ces choses de façon plus explicite en expliquant clairement pourquoi nous utilisons un appareil. Je prends mon téléphone et je regarde la météo parce que j’ai besoin de savoir si nous pourrons sortir cet après-midi ou si nous devons prévoir autre chose. Il faut être très explicite pour bien montrer que ces appareils ne sont pas des accessoires qui sont toujours allumés, c’est quelque chose que vous utilisez à un moment particulier pour une raison particulière.

PK :

Cela me rappelle que quand mes enfants étaient adolescents, jeunes adolescents, nous avions signé un contrat que nous avions collé sur le réfrigérateur et qui contenait les règles du jeu. Ils le savaient et nous le savions. La plupart du temps, nous le respections, mais parfois nous avions besoin d’un rappel.

MJ :

En fait, nous avons élaboré un modèle de contrat. Et il est important qu’il contienne quelque chose qui convient aux deux parties. Ce n’est pas juste une liste de règles, c’est un contrat, parce que cela aide les enfants, particulièrement les ados, à sentir qu’ils sont consultés et que vous prenez un engagement vous aussi.

Notre recherche démontre qu’il y a un lien solide entre l’établissement de règles à la maison précisant comment les enfants utilisent les appareils numériques et comment ils se comportent dans les faits. Parce que vraiment, particulièrement chez les adolescents, les règles de la maison, que ce soit un contrat ou non, ne comportent pas de punition, parce que les adolescents ne craignent pas d’être punis. Ces contrats visent à communiquer les valeurs que vous voulez inculquer à vos adolescents, en ligne et autrement. Ce peut être de parler du respect des autres ou du respect de leur vie privée, ce peut être de parler des sites Web que vous ne voulez pas qu’ils consultent s’ils pensent que vous pourriez ne pas les approuver ou de ne pas acheter de choses en ligne sans votre approbation, toutes ces choses reflètent les valeurs que vous voulez leur inculquer et que vous voulez qu’ils adoptent.

PK :

Vous parlez de respect. J’aimerais approfondir ce concept. Je pense que vous avez vu notre livre d’activités pour enfants et un des exercices que nous encourageons les enfants à faire c’est de réfléchir à ce que la protection de la vie privée signifie pour eux et quel genre de choses ils ne voudraient pas que les autres leur fassent, et d’énumérer ces choses. Nous leur demandons ensuite de réfléchir à ces choses, en leur demandant de répondre, par exemple, à une question comme : « Après avoir réfléchi à comment vous vous sentez, êtes-vous prêt à respecter les mêmes limites pour les autres? »

Donc, d’une certaine façon, nous essayons d’inculquer la notion d’empathie en matière de vie privée dès un jeune âge. Et je sais que vous faites beaucoup de travail dans ce secteur et que vous avez créé le concept d’éthique numérique, particulièrement chez les adolescents. Alors, pourriez-vous nous en parler et nous dire ce que l’éthique et l’empathie en matière de vie privée signifient pour les adolescents, et comment ils en viennent à créer ce code de pratique, par écrit ou non, explicite ou implicite, qui établit les règles d’engagement entre eux.

MJ :

Parce que l’univers virtuel ne semble pas nécessairement un domaine éthique ou moral, parce qu’il semble irréel ou abstrait, nous devons souvent aider les jeunes à être conscient ou à se rappeler consciemment que cet espace est un espace éthique, de la même manière que nous devons leur rappeler de consciemment faire preuve d’empathie.

Donc, lorsqu’il est question de protection de la vie privée, il y a définitivement un processus qui intervient lorsqu’ils entrent dans l’adolescence, lorsqu’ils deviennent plus conscients de questions éthiques qui touchent l’échange du contenu d’autres personnes. Et souvent, cela se produit comme c’est décrit dans l’activité, et ils se sentent attaqués dans leur vie privée. Quand ils en prennent conscience, ils se disent : « Je ne peux pas faire ça à d’autres personnes. Ce n’est pas amusant. »

Un des rapports de recherche que nous avons rédigés il y a quelques années mettait spécifiquement l’accent sur les décisions des jeunes concernant l’échange de photos, leurs propres photos et celles d’autres personnes. Ce que nous avons constaté c’est que, d’une part, ils avaient des idées et des sentiments bien arrêtés sur l’éthique de protection de la vie privée. En fait, ils estimaient qu’on a le droit de déterminer ce qui arrive à une photo dans laquelle vous apparaissez, même s’il y a d’autres personnes dans la photo, que chaque personne a, dans une certaine mesure, un intérêt éthique, question de propriété. Et ce sentiment était très fort.

Par ailleurs, souvent, ils n’obtenaient pas un véritable consentement avant d’afficher la photo d’une autre personne. Ce qu’ils faisaient, c’était une sorte d’expérience intellectuelle. Ils imaginaient ce que l’autre personne aurait dit selon le contexte, et ils prenaient leur décision en se fiant là-dessus. Alors, même s’ils avaient une idée de l’éthique de protection de la vie privée, ils n’allaient pas jusqu’à demander le consentement. Et nous avons définitivement entendu parler de cas où des personnes ont ainsi fait de mauvais choix, et pour une raison quelconque, quelque chose qui semblait être un contexte public pour la personne qui affichait la photo n’était pas vu de la même manière par toutes les personnes qui apparaissaient sur la photo.

Il y a définitivement des zones grises, et la plus importante que nous avons constatée, qui a d’ailleurs inspiré toute une autre étude, porte que les sextos. Dans le cas de photos qui peuvent réellement causer du tort, on a constaté une zone grise morale dans laquelle il semble que les personnes qui avaient envoyé des sextos avaient abandonné leur droit au consentement, même le droit que quelqu’un regarde ce processus imaginaire.

Nous avons donc fait une autre étude complète à ce sujet et avons consté que deux choses étaient étroitement liées au consentement à échanger des sextos ou à l’échange d’un sexto sans le consentement de la personne qui l’avait envoyé. La première était l’angle mort moral que l’on appelle en psychologie le désengagement moral, qui est le mécanisme psychologique qui nous permet de faire des choses que nous savons être mauvaises, ce que l’on pourrait appeler une excuse. En fait, dans la leçon qui s’y rapporte, nous les appelons des excuses sournoises, pour utiliser un langage plus adapté aux adolescents. Mais être d’accord avec ces idées, être d’accord avec l’idée, par exemple, que c’est la faute de la personne si un sexto qu’elle partage est partagé ou rendu public. Les jeunes qui croyaient en ces idées étaient cinq fois plus susceptibles d’avoir partagé un sexto. Mais l’autre élément qui présentait une forte corrélation était la croyance dans les stéréotypes sexuels traditionnels : les jeunes qui croyaient fermement aux stéréotypes sexuels traditionnels étaient également cinq fois plus susceptibles d’avoir partagé un sexto que ceux qui avaient un score faible sur cette échelle.

Cela montre à quel point la question de l’éthique de la vie privée, de l’éthique numérique également, mais de l’éthique de la vie privée en particulier, est complexe. Nous pouvons l’aborder de manière générale en enseignant des choses comme l’empathie, en encourageant les enfants à demander ouvertement le consentement avant de partager une photo. Mais nous devons aussi être conscients de ces angles morts, et nous devons les aborder directement, soit en abordant directement le désengagement moral comme nous le faisons dans la série de leçons intitulée Aucune excuse : confronter le désengagement moral lié au sextage, soit en abordant les stéréotypes de genre, ce que nous faisons bien sûr dans certaines de nos leçons plus traditionnelles d’éducation aux médias.

PK :

Pour ce qui est des conseils plus spécifiques, des conseils pratiques que vous avez élaborés à l’intention des adolescents, des parents et peut-être même des éducateurs, pourriez-vous nous en faire part ?

MJ :

Pour les parents, l’une des choses les plus importantes est de donner l’exemple en ce qui concerne l’obtention du consentement. C’est donc une très bonne idée de prendre l’habitude de demander la permission à vos enfants avant de partager des photos d’eux. Vous pouvez le faire très tôt, dès qu’ils sont en mesure de comprendre la question. Lorsque vous prenez une photo, que c’est une photo adorable et que vous voulez la partager, vous demandez : « C’est d’accord ? » Donc s’ils ne sont pas à l’aise avec ça, ne l’affichez pas. Cela envoie un signal très fort, qui montre que vous obtenez le consentement, que vous y réfléchissez et que les gens ont le droit d’être respectés.

En gros, il est bien sûr important que les parents soient conscients de ce que font leurs enfants en ligne, et notamment des réseaux sociaux qu’ils fréquentent. Nous avons déjà évoqué l’idée d’un contrat ou de règles familiales. Mais discutez avec vos enfants pour connaître les raisons pour lesquelles ils veulent utiliser un réseau social, comprendre ce qu’ils veulent en retirer. Puis, à partir de là, élaborez une stratégie qui, en fonction de leur âge et de ce qu’ils veulent en faire, pourrait consister à commencer par un compte commun.

Il est vraiment important de comprendre la différence entre les réseaux sociaux qui sont publics par défaut et ceux qui sont privés par défaut, et d’aider vos enfants à comprendre cela. Nous avons un atelier pour les parents, intitulé Le réseau des parents, qui aborde les différentes questions que vous devez poser à propos d’un nouveau réseau social, car, bien sûr, de nouveaux réseaux apparaissent continuellement. Un module externe de navigation quand vous utilisez ordinateur de bureau, ou un outil comme Privacy Badger, qui limite la collecte de données, peut être aussi efficace que de modifier vos réglages. Mais il faut s’assurer que vous avez bien pris en compte les réglages disponibles dans une application.

De manière générale, bien sûr, le plus important est d’avoir une conversation suivie afin d’en savoir autant sur la vie médiatique et numérique de votre enfant que sur sa vie scolaire et le temps qu’il passe avec ses amis. Et assurez-vous que vos enfants savent qu’ils peuvent venir vous voir en cas de problème, et que vous n’allez pas paniquer, que vous allez les soutenir. Cela ne veut pas dire que vous serez toujours nécessairement de leur côté, parce que parfois nos enfants ont tort, mais vous pouvez les soutenir sans nécessairement prendre parti pour eux. Selon moi, quand cela arrive assez souvent, nos enfants savent qu’ils ont eu tort.

PK :

Comme vous le savez, et comme je l’ai mentionné plus tôt, pour notre bureau, les enfants et les jeunes dans un monde numérique représentent une des principales priorités stratégiques de notre travail au cours des quatre prochaines années. Notre objectif dans ce domaine est vraiment de défendre les droits d’accès et de protection de la vie privée des enfants et des jeunes de l’Ontario en favorisant la littératie numérique et l’élargissement de leurs droits numériques. Permettez-moi donc de vous demander, en terminant, pour quelqu’un qui travaille avec les enfants et les jeunes depuis des décennies, ce que vous conseilleriez à notre bureau? Quels défis voyez-vous pour nous à l’avenir? Et que pouvons-nous faire, quelle contribution pouvons-nous apporter pour atteindre notre objectif?

MJ :

Je pense qu’une grande partie du défi demeurera la sensibilisation, faire comprendre aux gens la signification de la vie privée et l’importance de la vie privée. Comme je l’ai dit, je pense que nos vies deviennent de plus en plus médiatisées et numérisées, et qu’il faut se méfier de la surveillance ou de la collecte de données indésirables. La manière dont la collecte de données et la surveillance nous arrivent dans de plus en plus d’espaces. Et cela se passe souvent d’une manière qui est initialement considérée comme temporaire, puis devient progressivement permanente. Par exemple, l’enseignement à distance, qui a conduit, de manière compréhensible, à exposer de nombreuses personnes, de nombreux élèves, en particulier, à des risques pour la protection de la vie privée auxquels ils n’avaient jamais été exposés avant, pour motif de mesure d’urgence. Mais, bien sûr, il est très difficile d’arrêter une sonnette d’alarme. Je peux donc dire que, de notre propre point de vue, il faut tenir compte de tous les différents contextes dans lesquels nous devons être conscients des risques pour la vie privée.

Et je pense que la dernière chose à faire est de lutter contre le sentiment qu’il n’y a rien à faire. Lutter contre le sentiment de désespoir et donner activement à chacun, mais surtout aux jeunes, les moyens de prendre le contrôle de leur propre vie privée, les aider à savoir comment le faire et pourquoi il est important de le faire.

PK :

Fantastique. Un excellent conseil. Merci, Matthew, de nous avoir rejoints dans cet épisode de L’info, ça compte. Et peut-être pourrons-nous vous avoir de nouveau comme invité un jour.

MJ :

Ça me ferait plaisir.

PK :

Et vous faire répéter vos réponses avec une voix de pirate. Ce serait merveilleux.

Ainsi, lorsque nous réfléchissons à la manière de parler à nos adolescents de concepts tels que la protection de la vie privée et l’éthique en ligne, nous ne sommes peut-être pas conscients de certaines des fausses suppositions que nous faisons. Bien sûr, la plus grosse erreur que nous pouvons commettre est de supposer que, parce que nos adolescents vivent le monde différemment de nous, ils ne se soucient pas de la vie privée. Mais ce n’est pas vrai. C’est loin d’être le cas.

Les informations que vous avez partagées avec nous aujourd’hui ont vraiment contribué à dissiper ce mythe, et je tiens à vous en remercier. Qui sait, cela pourrait même contribuer à susciter des discussions franches au souper ce soir.

Pour ceux d’entre vous qui veulent en savoir plus sur le travail de Matthew Johnson, veuillez visiter HabiloMédias.ca. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur les concepts et les outils que vous pouvez utiliser pour entamer des conversations sur la protection de la vie privée avec les enfants, même dès leur plus jeune âge, je vous encourage à écouter un épisode antérieur sur l’enseignement de la vie privée aux enfants.

Vous pouvez également visiter notre site Web à l’adresse ipc.on.ca pour obtenir des renseignements sur une variété de ressources en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée, y compris notre nouveau cahier d’activités pour enfants. Ou encore, vous pouvez toujours téléphoner ou envoyer un courriel à notre bureau pour obtenir de l’aide et des renseignements généraux sur les lois ontariennes en matière d’accès à l’information et de protection de la vie privée. C’est pour cela que nous sommes là.

C’est ici que se termine l’épisode d’aujourd’hui. Merci de nous avoir écoutés. À la prochaine.

Ici Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, et vous avez écouté L’info, ça compte. Si vous avez aimé ce balado, laissez-nous une note ou un commentaire. Si vous souhaitez en savoir plus sur un sujet qui concerne l’accès à l’information ou la protection de la vie privée dans un épisode futur, communiquez avec nous. Envoyez-nous un gazouillis à IPCinfoprivacy ou un courriel à @email. Merci d’avoir été des nôtres, et à bientôt pour d’autres conversations sur les gens, la protection de la vie privée et l’accès à l’information. Si ça compte pour vous, ça compte pour moi.

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